La précarité fragilise la santé mentale des étudiants

Société le 20 janvier 2020

Le 8 novembre 2019, Anas K., étudiant de 22 ans, s'immolait par le feu devant le Crous de Lyon après avoir mis en cause dans une lettre sa situation économique et dénoncé la précarité étudiante. Peu après, comme un écho à son geste, d'autres drames se sont noués dans les universités parisiennes. Dans un contexte de tension sociale déjà fortement exacerbé, ces gestes désespérés - s'ils rappellent que le suicide est la deuxième cause de mortalité des jeunes - nous interpellent aussi fortement sur la triste réalité quotidienne d'une population particulièrement fragile.

Ainsi, selon l'Union nationale des étudiants de France (Unef), après avoir reçu toutes les aides possibles, un étudiant doit encore trouver en moyenne 837 euros par mois pour se loger et se nourrir.

De chères études

Dès lors, l'accès aux études supérieures peut avoir aussi un coût psychique élevé. De fait, cette période de la vie qui coïncide avec l'adolescence et le début de l'âge adulte est un temps de fragilité où le stress a un impact sur le développement des jeunes. Tout en s'éloignant de leur famille pour commencer à explorer un monde qui leur échappe encore, les étudiants savent confusément qu'ils doivent opérer des choix stratégiques pour «bien entrer dans la vie». «Qui suis-je?», «Ma vie vaut-elle la peine d'être vécue ?  «D'où vient cette peur que je sens grandir en moi ?»... De ces questions d'ordre éminemment existentiel à l'apparition de troubles anxieux et dépressifs, il n'y a parfois qu'un pas pour les plus vulnérables d'entre eux. D'autant que 75 % des troubles psychiatriques à fort potentiel évolutif débutent avant 24 ans, rappelle le rapport de la mission d'information sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France, déposé en avril 2017 par le sénateur Michel Amiel.

La prévention en marche

Tous les spécialistes sont unanimes : la prise en charge précoce des situations de détresse psychologique à cet âge est la meilleure prévention des risques psychosociaux ultérieurs et du handicap psychique des troubles évolutifs. Il y a donc urgence à préserver la santé mentale des étudiants, gage de leur future réussite. Tutorat, dispositif de remise à niveau, suivi de stage... Si l'université a déjà opéré en ce sens, elle  ne peut cependant pas supporter à elle seule l'importance de cette prise en charge sanitaire. Du côté des pouvoirs publics, c'est un premier frémissement qui s'est opéré, vendredi 10 janvier, avec le lancement par le ministère de l'Enseignement supérieur d'un numéro d'urgence*, le 0 806 000 278. Mais il faudrait plus encore. Comme, par exemple, le gel des loyers des résidences universitaires annoncé fin novembre et une hausse des bourses réclamées par les associations étudiantes. Ou encore, le déploiement de centres de santé adaptés à leurs besoins spécifiques et ouvrant notamment des portes multiples à la consultation psychologique, dans toutes les grandes villes universitaires.

Sandrine Letellier.

 


En savoir plus

* Disponible de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi, cette plate-forme téléphonique permettra aux étudiants en situation de précarité d'être orientés plus facilement vers les aides d'urgence.

Partage sur les réseaux sociaux

Abonnez-vous !

pour profiter du Journal des Psychologues où et quand vous voulez : abonnement à la revue + abonnement au site internet

Restez Connecté !

de l'actualité avec le Journal des Psychologues
en vous inscrivant à notre newsletter