L’accueil familial thérapeutique en question : vers une spécificité des indications

Le Journal des psychologues n°263

Dossier : journal des psychologues n°263

Extrait du dossier : Violences dans l'adolescence
Date de parution : Décembre - Janvier 2009
Rubrique dans le JDP : Pratiques professionnelles
Nombre de mots : 3500

Auteur(s) : Jung Johann

Présentation

S’adressant aux enfants et aux adolescents, et pensé dans une logique d’intégration à un dispositif de soin existant déjà, l’accueil familial thérapeutique se trouve être une solution alternative à l’hospitalisation. Le récit et l’analyse de deux situations d’accueil viendront éclairer la spécificité de l’indication de ce type de soin, sa mise en œuvre et sa portée thérapeutique.

Détail de l'article

Initialement pensé comme une alternative à l’hospitalisation, l’accueil familial thérapeutique (AFT) s’est progressivement développé ces dernières années au point qu’aujourd’hui, l’expérience acquise en ce domaine permet d’envisager les indications d’une façon plus précise. L’expérience du RAFT, dispositif d’accueil familial thérapeutique pour enfants et adolescents, nous permet actuellement de dégager les enjeux posés par l’indication en AFT, à partir des attentes multiples, des parents comme des services de soin, concernant cette modalité de soin. Au-delà des aspects éducatifs, il s’agit d’interroger la place qu’occupe cette modalité d’accueil dans le dispositif de soin, ainsi que les conditions d’un accueil familial « thérapeutique ».

 

Le RAFT
Situé à Lyon, au centre hospitalier Le Vinatier, le relais accueil familial thérapeutique (RAFT) est une structure intersectorielle qui a été créée il y a huit ans en pédo­psychiatrie pour répondre à deux objectifs principaux :
● poursuivre et développer des modalités de prise en charge alternatives à l’hospitalisation ;
● regrouper au sein d’une même unité les moyens mis à disposition mais pas toujours utilisés de chaque secteur (deux places à temps plein par secteur), afin d’organiser un dispositif d’accueil familial thérapeutique autonome permettant le recrutement, le suivi et la formation des assistantes familiales, ainsi que la mise en place effective des accueils.
Ce projet s’est développé avec la mise en place d’une équipe pluridisciplinaire à temps partiel, composée d’un médecin chef, d’une secrétaire médicale, de deux assistantes sociales, d’un psychologue et d’un groupe d’assistantes familiales, aujourd’hui au nombre de huit pour vingt enfants accueillis.
Le RAFT s’adresse à des enfants et des adolescents, de la naissance à dix-huit ans, suivis au sein d’une structure de soin dépendant de l’hôpital du Vinatier.
Les demandes d’AFT nous sont adressées par les équipes de soin où sont suivis les enfants. L’AFT s’inscrit de ce point de vue comme un complément à un soin déjà engagé sur le pôle de pédopsychiatrie, lequel se poursuit pendant au moins toute la durée de l’accueil. L’AFT constitue en ce sens une indication médicale posée par le médecin référent au même titre qu’une prise en charge thérapeutique ambulatoire ou institutionnelle en centre de jour, CATTP ou CMP.
Chaque demande adressée au RAFT est étudiée et fait l’objet de plusieurs rencontres, d’abord avec l’équipe soignante et l’assistante familiale pressentie, puis avec la famille avant de déboucher sur la mise en place d’un accueil. L’indication d’AFT n’étant pas une fin en soi, la demande est évaluée et reliée à un projet à plus long terme comme, par exemple, une orientation dans un établissement spécialisé de type IME. Le temps, la fréquence d’accueil, ainsi que l’intérêt d’envisager des nuits ou des repas sont abordés lors de ces rencontres. Une attention particulière est portée sur l’adhésion de la famille au projet d’accueil, condition indispensable à sa mise en place.
L’AFT est systématiquement pensé au cas par cas dans une logique d’intégration et d’articulation au dispositif existant. Ainsi, toutes les modalités d’accueil sont potentiellement envisageables à condition qu’elles prennent sens pour tous les acteurs de l’accueil.
Par ailleurs, dans le but d’optimiser les aspects thérapeutiques d’un tel dispositif, nous insistons sur l’importance de la différenciation des temps et des espaces dans lesquels évoluent les enfants accueillis. C’est pourquoi, dans la majeure partie des cas, l’accueil se limite à quelques séquences d’une durée variable de deux à six heures par séquence, cela en cohérence avec le dispositif de soin déjà mis en place. Il s’agit de séquences fixes qui ont lieu en général de deux à quatre fois par semaine, permettant à l’assistante familiale d’être particulièrement disponible pendant toute la durée de l’accueil. L’accueil séquentiel marque, par ailleurs, dans son dispositif même, l’enjeu thérapeutique de la séparation.
D’autre part, la quasi-totalité des accompagnements sont effectués en taxi, dont le montant de la course est pris en charge par la Sécurité sociale. Cela a pour fonction de garantir une différenciation des espaces en plus d’une certaine fiabilité du cadre d’accueil. Dans ces conditions, l’espace de l’accueil bénéficie d’une certaine neutralité en devenant un espace protégé, suffisamment délimité, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit un espace étanche, coupé du monde extérieur et du reste du soin. Au contraire, cette situation contribue à ce que la famille d’accueil se sente suffisamment dégagée des éléments de réalité susceptibles de modifier les conditions d’accueil et puisse se concentrer sur « l’ici et maintenant » de la rencontre avec l’enfant. Ce principe de différenciation à l’origine de l’accueil, associé à la disposition d’esprit de l’assistante familiale, permettra à l’enfant d’investir ce lieu différemment.
Des temps de supervision et de formation mensuels destinés à toutes les assistantes familiales, ainsi qu’un accompagnement au quotidien (visites à domicile, échanges téléphoniques) réalisé par les assistantes sociales, encadrent ce dispositif.
En ce sens, le RAFT assure un travail de liaison qui intègre tout autant les aspects organisationnels de l’accueil que l’écoute et le traitement des difficultés posées par l’accueil au quotidien.

 

Pluralité des indications d’AFT
Sans doute bien davantage que pour les dispositifs classiques et malgré les nombreuses sollicitations dont il est l’objet, le RAFT a pu et peut encore être amené à souffrir d’une identité aux contours mal définis. En effet, la diversité des représentations que peuvent s’en faire les équipes soignantes y contribue, en l’assimilant tantôt à un accueil social à visée éducative, tantôt en le considérant comme une alternative aux prises en charge thérapeutiques existantes.
L’indication « par défaut » rend compte de cette problématique : confronté aux limites d’une prise en charge, l’indication d’AFT pour une équipe de soin peut constituer avant tout un ailleurs, une issue, un autre lieu, dans certains cas un relais du soin.
Parmi les indications dites « par défaut », on peut penser à ces patients sans solution ou encore sans solution de soin satisfaisante. Ce sont des patients au parcours thérapeutique souvent chaotique, ayant déjà fait l’objet, sans succès, de plusieurs orientations / indications et-ou qui se trouvent en attente d’un accueil en établissement médico-social. Il peut s’agir d’enfants dont le soin est amené à s’arrêter. C’est le cas des prises en charge institutionnelles en centre de jour ou CATTP petite enfance qui s’achèvent à six ou douze ans et qui souffrent d’un manque de relais au sein du secteur.
D’autres demandes mettent l’accent plus directement sur l’épuisement des familles qui demandent à être soulagées.
Toutes ces demandes se traduisent par ce que nous pouvons appeler des indications « par défaut », c’est-à-dire des indications dont le but est avant tout de pallier le manque, la limite, l’échec, face auxquels se retrouvent les équipes de soin.
Pour autant, est-ce le rôle de l’AFT de répondre à ces demandes, de suppléer au manque de structures adaptées sur le secteur ? Jusqu’où pouvons-nous répondre sans risquer de compromettre le sens thérapeutique d’un tel projet ou de nourrir l’illusion suivant laquelle l’AFT serait « la » solution à ce type de situation ? À quelles conditions ces demandes peuvent-elles, malgré tout, prendre un sens et ouvrir sur une évolution thérapeutique chez l’enfant ?
Il semble important de repérer ici, au-delà de la demande d’AFT pour un patient, une demande institutionnelle plus profonde, consistant à traiter « l’intraitable », à trouver une réponse thérapeutique qui permettra dans certains cas de reconsidérer la problématique du jeune, de réinvestir une situation devenue critique pour la famille, l’équipe de soin et l’institution.

 

Situation de Célestine
Célestine a quatre ans et demi lorsqu’elle nous est adressée par le médecin du CMP qui la suit. Elle bénéficie alors d’une prise en charge dans un groupe thérapeutique deux fois par semaine et est suivie, en parallèle, par un orthophoniste en libéral une fois par semaine. Les entretiens révèlent un léger retard : marche acquise à dix-huit mois, propreté à trois ans. Elle présente à ce moment-là un trouble de l’attention : elle a du mal à écouter les consignes, a besoin en permanence d’être cadrée. Elle ne présente pas de trouble de la personnalité, mais a du mal à accéder, semble-t-il, à certaines modalités de symbolisation.
En réalité, ce sont essentiellement ses parents qui sont en difficulté : la maman est en invalidité et le papa peine à poser des limites. Célestine ne bénéficie donc pas d’un étayage rassurant de la part de ses parents.
La demande d’un accueil dans une famille pendant l’été est suscitée par le fait que les parents se sentent en grande difficulté : l’école s’arrêtant, ils ont très peur d’avoir à assumer leur fille toute la journée. Ce sont eux qui ont besoin d’un relais.
Célestine est scolarisée à ce moment-là en grande section de maternelle, et l’équipe de soin a évoqué la possibilité, à long terme, d’une prise en charge dans un établissement médico-social, mais les parents souhaitent, pour l’instant, que Célestine reste à leur domicile.
Devant l’ambivalence de la famille, et pour tenir compte des différents éléments de la demande, un AFT est envisagé chez une famille d’accueil le mercredi, ainsi qu’une partie des vacances scolaires.
Les premiers temps de l’accueil, l’assistante familiale découvre une petite fille très agréable, câline et sans problèmes particuliers. Parallèlement, sa scolarité connaît une évolution très favorable au point où il n’est plus question d’orientation en établissement spécialisé.
Célestine se développe normalement, même si, aux dires de la mère, des problèmes de comportement persistent à la maison. En effet, Célestine « désobéit », et les parents se sentent régulièrement débordés dans leurs capacités éducatives. Les punitions, souvent disproportionnées, ne suffisent pas à la limiter. Au contraire, dans la famille d’accueil, « tout se passe bien ».
Face à cette situation familiale précaire, une aide éducative finit difficilement par se mettre en place.
L’accueil se poursuit maintenant depuis plusieurs années et semble avoir apporté à Célestine un équilibre environnemental grâce à la qualité des relations établies d’une façon durable avec la famille d’accueil et au maintien du lien avec sa famille.
Cet accueil pourrait encore durer des années, mais son évolution nous autorise à réfléchir à d’autres modalités de prise en charge. Célestine a actuellement onze ans, et l’annonce de la fin de l’accueil officiel chez Madame G, faite il y a presque un an, permet de commencer à réfléchir à un nouveau projet. La mise en place récente d’une prise en charge individuelle dans le cadre de son suivi au CMP s’inscrit dans cette perspective.

 

Situation de Luc
Luc est un enfant âgé de dix ans, originaire d’Afrique centrale. Son père est décédé alors qu’il était tout petit. Présentant un autisme infantile précoce de type Kanner, avec absence de langage et apparition de troubles du comportement de type hétéro-agressif, il est pris en charge dans un centre de jour.
Suivi depuis cinq ans à raison de quatre demi-journées par semaine, le soin de cet enfant s’est avéré progressivement extrêmement complexe et de plus en plus difficile. La communication a toujours été très restreinte, Luc n’utilisant aucun mot. Ses capacités de compréhension, même très limitées, lui avaient permis de prendre part à certaines activités de groupe et d’interagir avec les soignants dans une recherche de contact.
Dans sa demande, l’équipe de soin nous précise que le travail du centre de jour n’a pas pu être particularisé pour cet enfant présentant des troubles aussi spécifiques.
En lieu et place de progrès cliniques, ce sont des troubles du comportement qui se sont développés : irruption de violence énigmatique, conduites dangereuses à l’égard des soignants comme des enfants. Ces manifestations ont conduit le médecin responsable à suspendre le soin au centre de jour.
Selon sa mère, il ne se montrerait pas violent à la maison et semblerait plus à même de se contenir physiquement en sa présence. L’objectif de l’AFT serait de permettre, selon l’équipe de soin, un travail de séparation mère / enfant en vue de faciliter une orientation spécialisée accompagnée d’un accueil en internat. En ce sens, un accueil dans notre service constituerait, selon l’indication posée, un « ailleurs » autre que la garderie, prémices d’une séparation en vue d’une orientation.
La mère est favorable à cet accueil, même si elle reste convaincue qu’aucun lieu ne peut contenir son fils.
Même si le sens d’un AFT apparaît difficile à penser d’emblée, outre le fait de la nécessité de travailler la séparation, la mise en place de cet accueil chez l’une des familles d’accueil du RAFT est envisagée dans un premier temps sur une durée d’une heure trente par semaine.
Le travail avec l’assistante familiale, pendant les premières semaines, laisse entrevoir un apprivoisement réciproque qui permet progressivement à Luc de  « se poser, de se détendre ». Le respect d’une certaine distance physique apparaît à ce moment-là nécessaire pour désamorcer la violence de Luc. Puis des rituels s’installent : il a l’habitude, par exemple, de s’allonger sur le canapé en arrivant ; un contact corporel s’établit par l’intermédiaire de mas­sages ; de la musique douce accompagne de temps à autre ces échanges ; parfois même, il se laisse aller à s’endormir. Ces derniers temps, il commence à explorer la maison, à se regarder dans un miroir.
Nous apprendrons, au cours d’une synthèse, que la situation au premier abord très critique de Luc est devenue plus stable et apaisée. La mère trouve que son fils va un petit peu mieux.
Nous ne savons pas, au jour d’aujourd’hui, comment évoluera l’accueil de Luc, mais il semble que cette expérience d’accueil ­atypique, en plus de constituer une issue, un ailleurs dans la façon d’aborder et de penser cette situation, aura permis de transformer, pour la mère, pour l’équipe de soin et pour l’assistante familiale, l’investissement de cet enfant… peut-être à travers l’émergence d’un regard humanisant.
Comment un enfant vécu comme épuisant pour les soignants d’un centre de jour peut-il se comporter parfois très différemment chez la famille d’accueil ? Gardons-nous pour autant d’y voir un effet magique de la « famille d’accueil ». Car, si l’AFT n’est rien sans la famille d’accueil, il déborde largement l’espace de la famille d’accueil. Plutôt que de parler d’indication par « défaut », qui pourrait être compris dans le sens de « à défaut d’autre chose ou qui ne répondrait pas de façon spécifique à la situation », nous pourrions parler, pour les deux situations que nous avons évoquées, d’indications « limites », c’est-à-dire à la limite du cadre des indications inscrit dans notre projet. Nous aurions pu tout aussi bien considérer ces demandes comme ne répondant pas aux objectifs fixés dans notre projet.
Comment penser l’accueil d’un enfant dont le soin principal a été suspendu ou encore quel sens un accueil peut-il avoir lorsqu’il semble répondre, en premier lieu, aux difficultés des parents ? Au regard de l’évolution de ces deux types d’accueil, nous avons à nous interroger sur les conditions qui peuvent rendre ces accueils thérapeutiques.
La pluralité des intervenants, le temps passé à penser le projet d’accueil avec les équipes de soins et avec l’assistante fa­miliale pressentie, le temps consacré par les équipes de soin à travailler la demande avec les familles sont autant de facteurs qui, combinés entre eux, renouvellent le regard que chacun porte sur l’enfant. En ce sens, la mise en place effective du cadre d’accueil est déjà le résultat de tout un travail de pensée qui entoure l’accueil.
C’est dire que l’introduction de ce nouveau dispositif dans l’ensemble du dispositif de soin n’est pas un simple complément à ce qui est déjà mis en place. Le projet d’accueil va en réalité mobiliser l’ensemble des acteurs et modifier le rôle de chacun auprès de l’enfant. L’AFT n’étant pas une fin en soi, la mise en place de l’accueil sera aussi l’occasion de repenser le projet de l’enfant à plus long terme.
Ainsi, la mise en place du cadre d’accueil marque concrètement, par l’organisation d’un nouveau maillage autour de l’enfant, l’émergence d’un nouvel environnement de pensée, d’un autre regard porté sur l’enfant. C’est cet ensemble et la multiplicité des liens qui le composent dans la durée qui nous semblent être à l’origine de ce qui est thérapeutique dans l’AFT.
Ces éléments nous amènent à penser le fonctionnement de notre service comme un dispositif complexe susceptible de tenir ensemble différents niveaux de réalité hétérogènes :
● d’une part, l’axe de la demande et de l’indication porté par les équipes de soin et qui suppose d’être tenu pendant toute la durée de l’accueil ;
● d’autre part, l’axe concernant davantage le vécu de l’accueil, incarné par les assistantes familiales et qui trouvera un sens spécifique, notamment dans le travail de supervision ;
● en dernier lieu, un axe institutionnel, c’est-à-dire un axe qui différencie pour mieux articuler ces deux niveaux de ­réalité.
Cette fonction de tiers et de garant du cadre s’illustre dans le dispositif par le fait que tout changement au niveau des modalités de l’accueil doit faire l’objet d’une demande au service, cela dans le but de protéger le cadre de l’accueil en assurant sa valeur thérapeutique.
Par ailleurs, l’organisation de synthèses régulières constitue un moment fort de l’accueil et du soin. Il permet de réunir ces différents niveaux de fonctionnement en les dialectisant entre eux et de ressaisir pour chacun le projet de l’enfant. Le temps de la synthèse sera en ce sens un temps d’appropriation collective de la situation de l’enfant et de son devenir.

 

Vers une spécificité de l’indication d’AFT
D’un point de vue général, nous pouvons avancer que le caractère « positif » ou « par défaut » de l’indication dépend, pour une large part, du sens que chacun attribuera à l’AFT pour un enfant, et à un moment donné. Il dépend aussi des effets de transformations observées chez l’enfant dans son environnement au cours de l’accueil. Mais, attention, une bonne indication insuffisamment portée peut engendrer parfois plus de difficultés qu’une indication « limite » qui pourra être travaillée.
Même si certaines indications nous apparaissent spécifiques au regard de notre expérience et des moyens que nous pouvons mettre à disposition, le travail de l’indication et l’évaluation de sa pertinence tout au long de l’accueil doivent nous faire relativiser l’opposition indication « positive » / indication « par défaut ». ­Néanmoins, ­l’expérience de ces huit années nous permet aujourd’hui d’affiner et de dégager certains aspects spécifiques de l’indication d’AFT en pédopsychiatrie.
Si l’indication générale concerne des enfants pour qui l’expérience de séparation est susceptible de relancer le processus de développement, de nombreuses demandes concernent des enfants autistes ou présentant des troubles envahissants du développement (TED) qui sortent des hôpitaux de jour et sont en attente de relais sur le secteur médico-social. Pour ces situations, l’AFT peut être investi dans une fonction d’intermédiaire potentiellement transitionnelle permettant d’expérimenter la séparation avec la famille avant de l’envisager sous une forme plus complète à travers une orientation en établissement médico-éducatif. Ce type de projet permet, en outre, de soutenir et de relancer le soin tout en soulageant les parents souvent épuisés.
Si l’accueil ne permet pas toujours la mise en évidence de changements importants, il peut trouver un sens minimal dans le maintien des acquisitions et des capacités de l’enfant permettant d’éviter le risque d’une régression trop importante ou d’une fixation à un fonctionnement pathologique invalidant.
En revanche, et c’est ce que met en perspective l’accueil de Célestine, les carences affectives liées à des dysfonctionnements familiaux peuvent être largement compensées. L’accueil peut s’inscrire ici non pas comme alternative à l’hospitalisation, mais comme alternative à un placement, lequel comporterait un risque de rupture avec le soin et pouvant être vécu par l’enfant comme un abandon.
Sans que cela ne soit pour autant des indications spécifiques, les enfants agités, ayant des troubles du comportement ou ne supportant pas les situations de groupe, peuvent bénéficier, grâce à l’AFT, d’un cadre contenant et sécure au sein duquel ils pourront expérimenter une relation duelle parfois exclusive, mais souvent structurante.
Ainsi, malgré le caractère polymorphe et parfois peu élaboré de certaines demandes qui nous sont adressées, certaines indications dites « par défaut » peuvent, à l’occasion des rencontres préalables à la mise en place de l’accueil ou au cours des synthèses organisées pendant l’accueil, être ressaisies et envisagées de façon spécifique.
C’est pourquoi nous pouvons penser que le montage proposé, au-delà d’une simple mise en adéquation des demandes des équipes de soin avec les moyens d’accueil dont nous disposons, tend surtout à prendre en compte la spécificité des troubles de l’enfant, mais aussi celle des contextes social, familial, scolaire, dans lesquels l’enfant évolue.
C’est au sein de ce dispositif « sur mesure », c’est-à-dire répondant au plus près des besoins de l’enfant, que l’indication d’un accueil familial « thérapeutique » peut prendre tout son sens. ■

 

Ce texte est la version remaniée d’une communication présentée lors du congrès du GREPFA (Groupe de recherche européen en placement familial), « Placements d’antan, accueils d’aujourd’hui : l’indication d’AFT en question », qui s’est tenu les 29 et 30 mai 2008 à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris.

 

Pour citer cet article

Jung Johann  ‘‘L’accueil familial thérapeutique en question : vers une spécificité des indications‘‘
URL de cet article : https://www.jdpsychologues.fr/article/l-accueil-familial-therapeutique-en-question-vers-une-specificite-des-indications

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