Résumé complet du référentiel des pratiques des psychologues en soins palliatifs

Auteur(s) : Van Lander Axelle

Détail de l'article

  1 - Objectifs

Identifier ce qui est particulier à la fonction du psychologue et spécifique à ce champ d’exercice en soins palliatifs.

Définir de façon juste et adaptée l’intérêt et les limites de cette offre thérapeutique.

Etre un outil pour préciser sa pratique clinique, son positionnement nécessaire et les conditions requises par cet exercice.

Dépasser la notion habituelle de « référentiel de compétences » par une définition du « positionnement », plus apte à rendre compte des caractéristiques de la rencontre clinique. Les compétences du psychologue peuvent en être déduites mais au sein d’un questionnement sur l’ensemble des conditions requises : formations, recherche, concepts spécifiques…

Servir de référence aux professionnels pour définir la pratique du psychologue au sein d’une prise en charge palliative

 

2 - Le psychologue en équipe

La spécificité du psychologue est de transmettre et de témoigner de la vie psychique du sujet (patient, famille, proche) afin de favoriser une cohérence dans le soin.

Il s’inscrit dans la démarche interdisciplinaire de l’équipe à laquelle il appartient. Si l’interdisciplinarité est partie prenante de la prise en charge globale, elle n’est pas pour autant facile et évidente. Elle provoque également des chevauchements de tâches, des enjeux de pouvoirs, de savoirs, des rivalités… La place du psychologue est complémentaire de celles des professions médicales et paramédicales. Cette singularité lui donne une position de tiers auprès de l’équipe dans l’analyse et la compréhension des situations. Concernant les décisions thérapeutiques son avis ne peut être que consultatif et il n’intervient pas auprès du patient pour les faire accepter.

 

3 - Le psychologue, qui est-il ?

Cadre juridique : l’exercice professionnel requiert le titre et le statut de psychologue (loi n°85-722 du 25 juillet 1985, décret 90-255 du 22 mars 1990). Inscription à l’ARS avec un n° adéli.

Cadre institutionnel : les psychologues ont le statut de cadre. Cette position confère une certaine autonomie en lien avec leurs responsabilités dans l’exercice professionnel, tel que le précise le Code de Déontologie. Il entretient statutairement des liens fonctionnels avec les autres professionnels de santé. Il choisit ses modalités d’intervention.

Missions : Il s’agit d’étudier et traiter « au travers d’une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l’autonomie et la personnalité. Ils contribuent à la détermination, à l’indication et à la réalisation d’actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan individuel qu’institutionnel. Ils entreprennent, suscitent ou participent à tous travaux, recherches ou formations que nécessitent l’élaboration, la réalisation et l’évaluation de leurs actions (…). » (décret du 31 janvier 1991 et circulaire du 30 avril 2012). Les missions sont similaires dans les structures privées.

Principes éthiques :

La demande d’une équipe à rencontrer un patient ne peut suffire pour la mise en place d’un suivi. Elle a valeur d’indication pour se présenter aux patients mais ceux-ci restent libres d’accepter la proposition d’entretiens psychologiques.

Lorsque les patients acceptent des entretiens individuels, « la mission fondamentale des psychologues est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus, considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte » (Code de déontologie des psychologues pour la France Chap. I-art.2).

« Il assure la confidentialité de l’intervention psychologique et respecte le secret professionnel, la préservation de la vie privée, y compris lorsqu’il est amené à transmettre des éléments de son intervention. »

 

4 - Comment pratique-t-il ?

•  Qu’est ce que la pratique clinique ?

L’exercice en soins palliatifs du psychologue s’appuie sur la méthode clinique qui permet d’accéder à une nouvelle compréhension d’une situation ou d’un vécu.

La rencontre clinique s’inscrit dans la rencontre avec le sujet et ne se réduit pas au préalable de sa pathologie somatique ou psychique. Elle relève d’une co-construction ce qui met l’accent sur une singularité du sujet, sur son caractère unique et spécifique.
Cette rencontre est proposée au sujet et ne se prescrit pas. Le travail du psychologue tend à ce que le sujet s’approprie subjectivement l’expérience de la maladie grave. Cette rencontre se construit dans l’intersubjectivité qui constitue un mode d’investigation et un levier thérapeutique.

 

•  Avec quels objectifs ?

Les entretiens ont pour objectif de proposer un étayage aux sujets dans cette épreuve de la maladie grave afin qu’ils soient en capacité psychique de vivre l’évènement. L’enjeu n’est pas de faire disparaître les affects tels le chagrin ou le manque mais de les soutenir dans leur capacité à les supporter : contenir ponctuellement les paniques dans ce lieu particulier, les comprendre et les élaborer.

 

•  Approches et moyens thérapeutiques :

Le psychologue utilise un référentiel théorique solide potentiellement inspiré des psychothérapies dites « de soutien », humaniste ou psychanalytique. Il s’appuie sur les ressources du patient pour l’aider à contenir sa détresse et à se positionner comme acteur par rapport à ce qui fait crise.

Quelques outils de médiation :

Le psychologue peut être formé à différentes techniques qu’il utilise dans les entretiens (sophrologie, relaxation, hypnose Eriksonienne, psychodrame…). Il peut utiliser des supports (génogramme, photolangage, dessin…) pour créer un espace partagé. L'objectif est de faciliter la relation, favoriser l’expression, la mise en mots et rendre l’émotion supportable.

 

5 - Avec quoi ? Un positionnement clinicien

Le clinicien doit réunir plusieurs qualités :

•  une disposition intérieure adéquate d’écoute et de présence à l’autre ;

•  disposer d’une gamme de références conceptuelles suffisamment précises pour guider sa compréhension et pour trouver l’assurance et l’aisance de leur formulation ;

•  une aptitude à mener un entretien clinique adapté aux situations.

Le clinicien ouvre un espace thérapeutique. Il s’agit d’accueillir les patients sans attente à priori.

 

6 - Pour quoi ?

Les situations de maladie grave, évolutive ou terminale engagent des crises identitaires et une détresse spécifique. L’angoisse en tant qu’expression de cette détresse constitue un des principaux motifs d’orientation vers le psychologue. Le psychologue intervient dans un temps marqué par la séparation, la perte et le deuil. Il est sollicité au moment où le sujet est en prise avec la réalité de sa pathologie, ce qui peut apparaître à distance du moment de l’annonce.

 

7 - Pour qui ?

Pour répondre au droit d’accès au psychologue ce dernier peut faire le choix de se présenter spontanément sans attendre une demande spécifique. L’accord du sujet est toujours requis. Le psychologue s’attache à analyser la demande du patient pour adapter au mieux son intervention qui de concert peut évoluer (impactée par le réel de la maladie, l’environnement…).

Parfois les soignants ou les membres de l’entourage repèrent un besoin de soutien psychologique. Cela peut être en décalage avec le ressenti du sujet, lui-même en résistance avec la proposition. Si le psychologue ne rencontre pas le patient, il sensibilise ses collègues à l’importance de comprendre et respecter son fonctionnement psychique. Il les soutient dans ces relations parfois éprouvantes.

Par ailleurs, il réfléchit avec l’équipe sur la façon de présenter le psychologue : qu’en dire, à quel moment, à qui et pour qui…

 

8 - Où ? Les lieux d’intervention

•  Les psychologues mobiles

La transversalité amène le psychologue à collaborer avec des équipes de spécialités diverses et travaille en partenariat avec les psychologues référents des services. Il se déplace auprès des patients et/ou entourage et peut proposer des consultations.

- En équipe mobile : la grande diversité des services et institutions amène le psychologue à s’adapter aux dynamiques spécifiques de chaque équipe.

- Les lits identifiés (LISP) : le psychologue fait partie intégrante de chaque équipe concernée par les lits identifiés. Du fait des multiples localisations des LISP dans une même institution, le psychologue priorise ses interventions entre les réunions, les demandes de suivis ...

- Les réseaux de soins palliatifs : deux modalités sont possibles. Soit le psychologue intervient directement dans les prises en charge au domicile soit il les coordonne avec des collègues libéraux. Ils ont tous deux pour mission de soutenir les acteurs du domicile (réunions de coordination, groupes de parole…). Le domicile nécessite un ajustement du cadre d’intervention.

 

•  Les soins palliatifs pédiatriques

Le psychologue fait reconnaître les différentes compétences et limites de l’enfant au regard de son développement et de sa temporalité. Il propose une écoute attentive à l’enfant qui peut s’exprimer par la parole et/ou d’autres moyens d’expression comme le dessin, le jeu et son comportement. Il intervient également au niveau de la dyade parent/enfant. Il se déplace sur tous les lieux de prise en charge (domicile, école, CMP, hôpital…).

 

•  En USP

Le psychologue fait partie intégrante du service de soins qui accueille le patient. Celui-ci est informé de sa disponibilité. Au même titre que les autres professionnels, le psychologue est engagé de façon constante, directe et permanente dans les prises en charge.

Les USP sont un lieu de formation et d’accueil des stagiaires que le psychologue doit rencontrer. Elles sont également un lieu de recrutement, de formation et d’intervention de bénévoles. Le psychologue participe à cette mission et veille de façon bienveillante à l’adéquation des sujets aux problématiques des soins palliatifs.

 

9 - Quelles sont les différentes formes de rencontres ?

Le psychologue est garant du cadre. Il reste vigilant à ce que le dispositif choisi (confidentialité, sécurité, confort) respecte le sujet quels que soient la forme et le rythme des rencontres. Chaque accompagnement est singulier avec une dynamique propre.

 

•  Les rencontres informelles

Il s’agit de temps de rencontre spontanés et non préparés. Ils permettent au sujet d’expérimenter certains aspects de la profession, de déposer certaines angoisses et questions et d’adresser certains messages. La présence informelle du psychologue signifie son engagement alors même qu’un entretien n’est ni possible ni sollicité.

 

•  Les entretiens en binôme, pluridisciplinaires

Cette pratique nécessite un apprentissage. Elle impose un respect et une connaissance mutuelle des compétences et références théoriques de chacun. Deux modes d’action sont possibles. Lors d’un « entretien de présentation », le psychologue est accompagné d’un autre professionnel. Cette première rencontre peut être un préambule à une prise en charge individuelle. Le psychologue peut également accompagner un professionnel, notamment lors d’une annonce difficile, dans la limite des répercussions possibles dans sa relation au patient et/ou entourage.

 

•  L’accompagnement de l’entourage

L’accompagnement peut être individuel ou groupal (en présence ou non du patient) :

– Le dispositif groupal crée un étayage et un espace de parole dans le respect des défenses et de la temporalité de chacun.

– Concernant les suivis individuels, plusieurs demandes individuelles peuvent émerger. Le psychologue priorise un suivi et organise l’orientation des autres personnes pour éviter notamment une contamination de son écoute.

Des suivis de deuil sont proposés idéalement sans limite de temps.

Le contenu de chaque accompagnement reste confidentiel.

 

•  Les groupes de parole

Ils favorisent la verbalisation, l’écoute et le soutien réciproque. Le psychologue, parfois en co-animation, veille à la fois au groupe et à l’équilibre psychique des participants. Ce dispositif groupal peut accroître les angoisses archaïques. Le respect de chacun et la confidentialité sont indispensables.

 

10 - Avec quelles limites ?

Le psychologue évalue la pertinence de son intervention dans la limite de son rôle et de ses compétences. Par exemple il peut estimer que d’intervenir auprès du patient et des membres de l’entourage peut être nocif. Les fonctionnements familiaux peuvent être incompatibles avec le fait d’entreprendre plusieurs suivis en parallèles.

 

11 - Quel accompagnement des équipes et des institutions ?

Son rôle est de défendre la dimension psychique du sujet, l’intersubjectivité, la notion d’incertitude et de vulnérabilité. A ce titre il participe à différentes commissions (éthiques, CLUD ...).

Il est disponible pour tous les membres de l’équipe pour des temps d’échange autour de la pratique, en individuel ou en groupe sans se substituer à la position de superviseur.

Le psychologue participe à des missions de formation-sensibilisation. Cette activité demande de développer une pédagogie propre à la formation au travers de son expérience et/ou d’une formation spécifique.

 

12 - Les conditions nécessaires ?

Comme pour tout professionnel le psychologue nécessite pour l’exercice de sa pratique :

• Une supervision individuelle ou groupale de sa pratique

• Un temps recherche pour réactualiser ses connaissances et faire avancer la recherche en soins palliatifs

• Une formation spécifique. Dans le cadre de la formation initiale, certaines universités proposent actuellement des modules sur l’exercice en soins palliatifs. Une formation complémentaire concernant les soins palliatifs facilite la participation au travail d’équipe pour lequel un socle commun de connaissance et de valeurs professionnelles est pertinent. Un Diplôme Universitaire de Soins Palliatifs est donc recommandé. Certains DU sont plus axés sciences humaines et sont peut-être à privilégier avec en complément un stage en soins palliatifs auprès d’un psychologue.

• Un ancrage dans un réseau professionnel de pairs est étayant. Le psychologue se tient au courant ou participe aux actions du Collège National des psychologues de la SFAP. En région il participe aux réunions proposées par la coordination sur son temps de travail.

 

 

Auteurs

Groupe de travail : le Collège des psychologues d’Auvergne : Claire Chapart, Corinne Ducreux, Guillaume Gay, Carine Maneval , Angélique Pannetier , Nathalie Schield, Axelle Van Lander, Lucile Walewski et ses coordonnatrices : Annette Begert et Céline Deveuve, Sigolène Gautier, Laetitia Hild, Valérie Piloti, Audrey Rollin, Caroline Tour-bez ,Virginie Vignoli.

Groupe d’experts : Stéphane Amar, Antoine Bioy, Carine Bled, Caroline Gallé, Emilie Ghyssens, Cyrille Le Jamtel, Jacques Gaucher, Char-les Joussellin, Vincent Morel, Christine Prévot, Anne Richard.

Relecteurs : les coordonnateurs en région : Jérome Alric, Marie-Frédérique Bacqué, Josyane Chevalier-Michaud, Nathalie Favre, Da-nièle Leboul.

Coordonnatrice : Axelle Van Lander, Responsable du Collège des Psychologues.

Contact : avanlander@chu-clermontferrand.fr

Pour citer cet article

Van Lander Axelle  ‘‘Résumé complet du référentiel des pratiques des psychologues en soins palliatifs‘‘
URL de cet article : https://www.jdpsychologues.fr/article/resume-complet-du-referentiel-des-pratiques-des-psychologues-en-soins-palliatifs

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