Appel Psytoyen : parcours de soin, vers un échec organisé ?

Actualités professionnelles le 27 novembre 2020

A l’origine, l’hôpital était un lieu d’accueil des indigents. Aujourd’hui, avant de pouvoir exprimer la problématique qui vous y conduit, on vous demande votre carte de sécurité sociale, votre mutuelle, si vous avez consulté votre médecin ou un spécialiste au préalable – avec l’obligation parfois de passer par une prétendue évaluation, pour être ensuite renvoyé vers un ailleurs… sans accompagnement véritable vers le soin. Allons-nous vers un non-accueil organisé ?

L’évaluation est reine, mais pour quel résultat ?

Évaluation et orientation deviennent des maîtres-mots dans les services de soin. On évalue : en gériatrie pour quantifier les déficits et objectiver les démences, en neurologie pour diagnostiquer les maladies, en pédopsychiatrie pour déterminer les troubles du spectre autistique, ceux du développement (les « dys », difficultés d’attention, hyperactivité…),  etc.

La liste des tests et des échelles, de même que celle de nouveaux syndromes nosographiques, ne cessent de s’allonger, sollicitant, de plus en plus, le psychologue pour ces tâches d’évaluation tandis qu’il est de moins en moins disponible pour le soin psychique. L’évaluation se doit d’être quantitative, chiffrée, objectivante, pour revêtir une apparente valeur scientifique, tandis que la clinique qualitative, basée sur un espace de rencontre, est dévalorisée.

Alors pourquoi évaluer ? Officiellement pour orienter en fonction des pathologies afin d’améliorer l’efficacité et la rentabilité du soin. En réalité, cela permet de temporiser, trier (cf. www.non-au-tri-des-enfants.fr) et d’externaliser le soin. En sachant que les consultations auprès de psychologues libéraux ne sont pas remboursées par l’assurance maladie, sauf expérimentations spécifiques, centrées sur des catégories de patients ayant des pathologies très ciblées, susceptibles, après évaluation, d’intégrer un parcours de soin fléché sur un temps limité.

Cependant, la juxtaposition des suivis individuels promue par l’idéologie du parcours de soin n’équivaut pas qualitativement aux prises en charge institutionnelles. Ainsi, l’orientation vers des professionnels en libéral : psychiatre, neuropédiatre, orthophoniste, psychomotricien, psychologue… situés sur divers sites découpe la prise en charge, malgré la volonté de coordination affichée. Là où les équipes de soin avaient l’avantage de croiser leurs regards, menant des ateliers co-animés, mettant en valeur les compétences et la complémentarité de chaque professionnel au service d’un dispositif unique, cohérent et adapté aux pathologies et à l’âge des patients.

Sous couvert de parcours de soin, cette segmentation organise le nomadisme du patient et l’échec de sa prise en charge !

Il s’agit donc d’un système de soin à plusieurs vitesses, inégalitaire : entre ceux qui pourront consulter un psychologue en libéral, compte-tenu de leurs moyens financiers,  possibilités de déplacement ou de leur situation de malade remplissant certains critères, et les autres, condamnés à des attentes interminables, parfois plus d’un an dans certains CMP (Centre Médico-Psychologique). Ceci peut conduire à une médicalisation de la souffrance psychique, qui met l’accent sur la prise de psychotropes au détriment du soin relationnel.

Vers une dématérialisation du soin ?

L’accès au soin se complexifie et devient un outil de sélection des patients, non loin d’une mise à l’épreuve. Par exemple, dans le cas de sevrage de toxique, le patient doit démontrer par les démarches qu’il a à accomplir seul, la consistance de sa demande.

De plus, le développement de plateformes, numéros d’appel ou téléconsultations, encouragé actuellement, aboutit à une demande type, administrative, de plus en plus filtrée et dépersonnalisée qui contribue à différer la rencontre et le soin.

Ces modes de réponse portés par le numérique et les algorithmes ont connu une accélération du fait des mesures de confinement liée à la pandémie de Covid-19 et tendent à s’imposer, sans réflexion ni débat, comme une solution « low cost » universelle. Quant au psychologue, dans ce modèle de la hotline, il devient un accueillant dématérialisé, anonyme et gratuit, répondant à un désarroi ponctuel et ciblé.

Des soignants interchangeables, un patient devenu un consommateur de soins

Or la multiplication des intervenants, des dispositifs et la superposition d’interventions thérapeutiques diverses, desservent la possibilité d’un investissement subjectif du patient dans sa dynamique de soin. Face à des soignants interchangeables, et non plus à une pluridisciplinarité des regards et des fonctions, le patient se retrouve comme anonyme, réduit à un objet de soin. Cela entrave considérablement sa propre implication thérapeutique, pouvant aller de la non observance, jusqu’à l’arrêt des traitements prescrits. Ce n’est pas sans conséquence sur le plan individuel, social et financier, dans le cas notamment de soins psychiatriques, avec le risque d’une recrudescence de passages à l’acte violents. Ainsi, alors qu’elle le dénonce, l’organisation actuelle du système de santé induit chez le patient un comportement l’amenant à être un consommateur de soins !

Quel gain y a-t-il à poursuivre cette politique de santé ? Quel coût financier, humain et sociétal à cette gestion ? Le parcours de soin ne peut pas être un pur formalisme administratif qui fait l’impasse de la relation, de l’alliance thérapeutique et du sens. Refuser un tel questionnement, c’est dénier l’importance de la dimension psychologique et ses conséquences en terme de santé publique, mais aussi les voix des professionnels impliqués. Les psychologues ont toute leur place dans le débat qui concerne l’évolution de notre système de santé, débat qui nous concerne tous en tant que citoyens.

 

Intercollège des psychologues des secteurs sanitaires et sociaux de Midi-Pyrénées.

 

Lien vers la pétition Appel Psytoyen : pour une vraie prise en compte de la dimension psychologique dans le soin

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