Il y a un an, le Cafecito ouvrait ses portes en plein centre-ville de Bayonne. À la fois espace culturel et café convivial, ce lieu semble avoir réussi son pari : briser l’isolement des personnes souffrant de troubles psychiques et lutter contre leur stigmatisation, tout en créant du lien social.
« On a atelier photo le vendredi, atelier d’écriture lundi, atelier chant mercredi, et encore un autre le jeudi autour du carnaval basque », énumère Emmanuel Lucante, fondateur du Cafecito. La liste est longue : pour la « Semaine de la Diversité », qui se déroule du 1er au 10 mars à Bayonne, il y a presque un événement par jour organisé au café. « Samedi 9 mars, on refait la fresque murale du café, avec l’artiste David Joly. Tout le monde est invité à participer ! »
L’énergie et l’enthousiasme de celui qui a eu l’idée du Cafecito, il y a trois ans, sont communicatifs. Éducateur spécialisé, Emmanuel Lucante a travaillé sept ans en mecs et six ans en psychiatrie, au sein d’un FAM. « Mon constat de départ, c’était que notre société a tendance à classer et séparer les gens, et que cela provoque des dynamiques négatives. » Il veut donc créer un lieu où, au contraire, des gens différents peuvent se rencontrer et échanger. « J’ai fédéré quelques personnes autour de moi, et on a d’abord imaginé un restaurant d’insertion. Mais on s’est rendu compte qu’il fallait commencer par créer les compétences sociales chez celles et ceux que l’on accompagne », raconte Emmanuel Lucante, aujourd’hui président de l’association Elkarlana Lagunak (« Les amis du travail ensemble », en français), porteuse du projet, qui évolue alors vers un café « le plus inclusif possible ».
Et de fait, dans ce quartier des peñas, ces associations d’amis très actives pendant les fêtes de Bayonne, le Cafecito s’est rapidement créé un cercle d’habitué-es – sans vendre une goutte d’alcool. « C’est venu égayer le quartier, des voisins se sont investis dans le projet. » Un renfort bienvenu, alors que l’ouverture du café du lundi au vendredi était assurée, pendant les huit premiers mois après l’ouverture, par une quinzaine de bénévoles. « Progressivement on a décroché des financements, de l’ARS, du département des Pyrénées-Atlantiques et de la mairie de Bayonne. » En y ajoutant un financement participatif et des dons de petites entreprises locales, l’association a réussi à rassembler le budget nécessaire pour créer un poste salarié. « En novembre, on a embauché une éducatrice spécialisée, qui sait parfaitement réguler les interactions dans le café », se félicite Emmanuel Lucante.
Il arrive en effet que l’ambiance du lieu, qui accueille autant des personnes souffrant de troubles psychiques, que des SDF, des migrants ou des étudiants, soit un peu agitée. « Comme on rassemble des personnes très différentes, parfois il y a quelques vagues… Mais on retire tellement de positif de ce mélange, pour les personnes avec des troubles psychiques comme pour les autres », assure le fondateur du Cafecito, qui mise aussi sur la pair-aidance, à l’instar de la Maison perchée, à Paris.
Ce café pas comme les autres n’a-t-il jamais été confronté à des réactions hostiles ? « Seulement une fois, au tout début, un voisin nous a lancé : « Vous allez mettre les fous dans la rue ?! » Mais je crois que maintenant, il est rassuré, en voyant que tout se passe bien. » La sensibilisation du grand public aux problématiques de santé mentale est d’ailleurs l’un des objectifs centraux du projet. « On organise régulièrement des rencontres au café pour dé-stigmatiser. On y parler de bipolarité et schizophrénie, mais aussi de dépression ou de troubles alimentaires… ça peut toucher tout le monde », souligne Emmanuel Lucante. Le 6 mars, l’association a même investi l’hôtel de ville de Bayonne pour une conférence intitulée : « Santé mentale et société : les actions innovantes qui prônent l’inclusion ». À l’image de l’expérience du Cafecito, exemple inspirant de la démarche inclusive.
Nina Hubinet
