Au Lieu de Répit, s’appuyer sur la communauté pour sortir de la crise

Actualités professionnelles le 13 mai 2024

 

Basé sur des principes de santé communautaire, le Lieu de Répit accueille jusqu’à trois mois dix personnes en crise ou post-crise.

 

À Marseille, le Lieu de Répit, porté par l’association JUST, a pour vocation d'accueillir à l’aide d’une équipe pluridisciplinaire une dizaine de personnes en situation de crise psychique dans un espace non médicalisé, pour une durée maximale de trois mois. Une vraie colocation, où l’on possède sa clé, où les chambres sont privatives, mais où certaines activités - ménage, repas - se font en groupe. Dans la salle commune aux murs décorés, divans et cuisine, une partie de l’équipe échange avec une personne accueillie, qui fait part de sa souffrance, autour d’un café : « Je suis incompris et à bout. Vous, vous m’aidez », lâche-t-il, en passant du rire aux larmes.

 

Entraide entre pairs

Le lieu est basé sur l’auto-support communautaire. « Les personnes accueillies échangent des conseils, peuvent devenir motrices pour d’autres, certaines reviennent même après être parties du lieu », explique Marie, une travailleuse-pair, qui a elle-même vécu des situations de crises psychiques. Identifiée et embauchée après un long parcours vers le rétablissement, son expérience lui permet « de l’empathie, mais aussi de montrer que la maladie n’est pas une fatalité, qu’on peut s’en sortir. » Elle considère avoir une vision pragmatique « de l'hôpital, ou de l’isolement, pour l’avoir déjà vécu et en connaître l’intérêt. » À l’origine, ce sont des bénévoles et militants anti-psychiatrie et anti-hospitalisation qui ont monté le lieu autogéré en 2016. Depuis, structuré avec des financements de l’ARS, le fonctionnement s’est éloigné de l’idée d’opposer le médical à la communauté, en les considérant comme “complémentaires.”

L’équipe met régulièrement au point un plan d’action construit avec les hébergés : manger plus régulièrement, faire du sport, ou encore prendre contact avec sa famille. Le coordinateur du lieu, Mohamed Amnaiy explique : « On va travailler avec eux à trouver des directives anticipatives pour mieux gérer une crise. On va impliquer accompagnants, famille et amis, en faisant des réunions pour trouver des solutions. » Le réseau devient alors une ressource précieuse à mobiliser en cas de crise, pour éviter une hospitalisation. Pour le chercheur Umberto Cao, anthropologue, cette démarche reflète « un questionnement social, pas uniquement clinique. Tout le monde peut être une aide, pas seulement les professionnels de santé. » Il déplore par ailleurs un manque criant de financement pour le projet, avec une équipe toujours en sous-effectif, dans un contexte d’accompagnement psychiatrique complètement saturé.

 

Recherche communautaire

Umberto fait partie de l’équipe de recherche de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (APHM), qui suit le projet depuis un an. Sur une centaine de personnes qui pouvaient prétendre au Lieu de Répit, la moitié a été accueillie au hasard et l’autre non, afin d’évaluer le dispositif. Lila Pitarch est une psychologue de l’équipe. Elle énonce les conditions : « être en crise ou post-crise, avoir un logement et un suivi médical, puisque le lieu n’est pas médicalisé. » Elle souligne que la crise « n’est pas forcément survoltée, elle peut être simplement une grande souffrance ou être très silencieuse. » Ainsi, peu de cas de violence ont éclaté au sein du Lieu de Répit. « On offre une expérience relationnelle, et finalement, on peut aussi bien travailler avec une personne en crise », se réjouit Anna, psychologue, qui confie avoir changé son propre regard sur la maladie.

Si le Lieu de Répit marseillais est le seul à fonctionner en approche communautaire et non médicalisée, d'autres territoires souhaitent expérimenter ce format. " On est en train de créer un groupe national pour écrire un cahier des charges qui permettrait de généraliser le projet. On vise une création d’article 51, le dispositif des ARS et du CNAM, pour répliquer les dispositifs innovants en santé.» explique le coordinateur Mohamed Amnaiy.

 

Sophie Bourlet

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