Le 05 mars dernier a vu la mise sur le marché aux Etats-Unis d’un nouveau médicament luttant contre les troubles dépressifs. Ce dernier est présenté comme révolutionnaire tant sur son mode d’administration que sur son efficacité, puisqu’il est supposé avoir des effets sur les patients jusqu’à lors résistants aux traitements. L’occasion de faire le point sur la situation en matière de lutte contre la dépression.
De nos jours, deux approches sont évoquées lorsqu’il s’agit de combattre la dépression : médicamenteuse et psychothérapeutique.
L’utilisation de molécules chimiques spécifiques est répandue en France, le Prozac (fluorexine) est la plus célèbre. En 2015, la dose quotidienne pour 1000 habitants en France se situait à 49,8. Plaçant notre pays à la 19e place mondiale. Ces traitements médicamenteux n’avaient pas connu d’évolution majeure depuis plusieurs décennies. C’est dans ce cadre que l’arrivée d’une nouvelle molécule est présentée comme révolutionnaire par les chercheurs ayant pris part aux recherches, comme le Dr Pierre de Maricourt. Nous évoquions son étude préliminaire dans une brève du 10 aout 2018. Proposé à la vente, le Spravato se présente sous la forme d’un spray nasal renfermant de l’eskétamine. Au-delà de ce mode d’administration peu usité, c’est surtout son efficacité qui serait à mettre en avant. Ses effets seraient visibles au bout de quelques jours. Son efficacité sur les patients résistants aux autres traitements est aussi mise en avant.
Ce médicament représente donc une avancée dans le traitement des dépressions qu’il conviendra de suivre afin d’en évaluer plus finement les risques. Son administration ne pourra se faire qu’en milieu médical avec suivi notamment dans l’heure suivant la prise. Aucun effet d’accoutumance n’est rapporté, ce que craignent pourtant certains spécialistes. Des effets à surveiller donc, d’autant plus que le laboratoire qui propose ce produit a annoncé avoir débuté les démarches en octobre pour une commercialisation européenne.
Cette avancée ne doit pas faire oublier qu’une prise en charge non médicamenteuse existe également, sous la forme de psychothérapies. Les spécialistes s’accordent aujourd’hui à reconnaitre son efficacité dans certains types de dépressions, allant jusqu’à la considérer comme prise en charge initiale. Le psychiatre Patrick Lemoine estimait, en 2016 que « nous devrions toujours commencer par la prise en charge la moins dangereuse. En psychiatrie lorsque l’on prescrit un médicament, c’est que l’on est en échec ».
Deux modes de prise en charge qu’il convient de ne pas opposer pour les envisager conjointement, dans le but de réduire la consommation des produits psychotropes. Dans ce cadre, il pourrait être utile de s’interroger sur les conséquences du mode d’administration du Spravato. Cette simplicité d’utilisation ne risque-t-elle pas de banaliser la prise de tels produits ? Travailler sur le traitement est bien entendu important, mais ne doit pas nous faire oublier qu’il faut aussi réfléchir aux causes.
Benoit Catel