Entretien avec Sébastien Peytavie : « Être psychologue est déjà un choix politique »

Actualités professionnelles le 9 janvier 2023

Sébastien Peytavie, psychologue en libéral depuis une douzaine d’années est aussi député de la quatrième circonscription de Dordogne depuis les élections législatives de 2022. Membre de la Commission des affaires sociales, il a exercé différents mandats en politique en parallèle de son activité. Pour lui, même si ses activités sont bien distinctes, être psychologue et être engagé en politique sont étroitement liés.

 

Guillaume Bouvy : Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir psychologue ?

Sébastien Peytavie : Ma vocation est venue progressivement. Mes parents travaillaient en tant que famille d’accueil. J’ai grandi avec des enfants qui étaient placés par l’Aide sociale à l’enfance, souvent avec des troubles psychiatriques. Dès le collège, je voulais être psychologue, malgré ce que disaient les conseillers d’orientation.

 

G.B. : Pourquoi vous êtes-vous tourné vers la politique ?

S.P. : J’avais le sentiment qu’il existait un dégoût de l’action politique, accentué par les scandales, et que l’abstention n’avait de cesse d’augmenter. Mon engagement en politique coïncide avec mon arrivée à l’université du Mirail à Toulouse, qui était très politisée. Au début, c’était plutôt subi, puis j’ai été élu au conseil d’administration. La question des profs de psychanalyse qui n’avaient pas les crédits avait notamment été soulevée. J’avais par la suite créé un petit journal. Face au désarroi de l’élection de 2017 entre le score de Benoît Hamon, l’abstention et la montée de l’extrême droite, je me suis dit que c’était bien d’être un spectateur et de râler, mais c’était bien aussi d’agir.

 

G.B. : Comment a débuté votre carrière politique ?

S.P. : Tout a commencé en 2008, à Borrèze, un village de 350 habitants en Dordogne, d’où je suis originaire. J’étais alors chargé de culture et je n’étais pas encarté. En 2017, j’ai rejoint le mouvement Génération.s créé par Benoît Hamon. J’ai alors réfléchi sur le revenu universel et sur la question des migrants. J’ai ensuite été candidat aux élections européennes en 2019. Après avoir participé à une liste pour les élections municipales de Sarlat-la-Canéda en 2020, je me suis présenté en 2021 aux élections départementales en tant que suppléant sur la liste de rassemblement des gauches. J’ai été élu député en juin dernier, sous l’étiquette Pôle écologiste.

 

G.B. : Comment avez-vous articulé vos activités de psychologue et vos mandats politiques ?

S.P. : Je travaillais à 30% pour l’APF (Association des paralysés de France) et 30% en IME (Institut médicoéducatif). J’ai aussi effectué des remplacements au sein de services psychiatriques. Depuis deux ans, je fais partie d’une équipe mobile qui lutte contre la précarité et les violences conjugales. J’ai surtout été salarié, avec un petit temps que j’ai eu en libéral.

 

G.B. : Ne craignez-vous pas de mélanger vos différentes fonctions, en exerçant la psychologie en politique, et de la politique en psychologie ?

S.P. : Le choix du métier de psychologue est déjà un choix politique. Accueillir la parole est déjà un engagement important. J’ai fait le choix de travailler au sein de l’hôpital public. Pour ce qui est de la politique, je ne me suis pas présenté aux élections législatives en tant que psychologue, je sépare ces deux domaines. Même si au niveau départemental il y avait moins d’engagement, j’avais prévenu mes patients.

 

G.B. : Votre engagement politique a-t-il eu des conséquences sur votre travail de psychologue ?

S.P. : Dans l’ensemble, je n’ai pas eu de remarques, cela ne posait pas problème. Il y avait juste une patiente qui glissait régulièrement des remarques sur l’écologie. Parfois, j’entendais des patients dans la salle d’attente parler de politique. Mais on n’est pas dans le militantisme quand on reçoit des patients. La seule vraie conséquence que mon engagement politique ait pu avoir est la Ligue contre le cancer qui a mis fin à mon contrat, mettant en avant leur apolitisme, mais cela ne représentait que quelques heures par mois. Je voudrais maintenir une activité en libéral, je verrai dans quelle mesure c’est possible étant donné qu’il faut que je sois à Paris au minimum trois jours par semaines. Selon les sessions de vote, parfois cela implique une présence jusqu’au samedi, à 4h du matin, auxquels se rajoutent 5h de route depuis la Dordogne.

 

G.B. : Quels sont vos axes prioritaires en tant que député ? Comptez-vous en faire bénéficier la profession de psychologue et faire avancer sa cause par ce biais ?

S.P. : Spontanément, je ne me suis pas dit que je pourrais avoir plus de poids sur la profession en étant psychologue et député. J’ai souhaité mettre l’accent sur le droit à la vie digne, que cela soit au niveau du travail, l’enfance, l’alimentation ou encore le rapport au vivant. Mon objectif est d’organiser des groupes de travail dans ma circonscription, ces réunions étant ouvertes à qui voudra, afin de lancer une démarche participative dans l’écriture de la loi. Le fait que je sois élu dans l’opposition implique que nous ne pourrons pas avoir beaucoup de victoire, compte tenu du mépris du gouvernement, sans compter que nos amendements sont retoqués sans justification. Nous avons malgré tout la possibilité de lancer des commissions d’enquête, ce qui n’a pas d’impact sur le budget de l’Assemblée nationale. Dans ce cadre, je compte lancer une commission sur le dispositif Mon Psy, pour déterminer quels sont les coûts du programme, obtenir des chiffres et pas seulement des postures politiques. Je pourrai utiliser mon mandat pour mettre en avant certains sujets.

 

Entretien mené par Guillaume Bouvy

 


Crédit photo : Éloïse Peytavie

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