La crise sanitaire, source de multiples interrogations pour la profession

Actualités professionnelles le 27 mars 2020

Voilà deux semaines que la profession réorganise ses interventions en libéral comme en institution, pour répondre à un contexte de crise sans précédent.

 

La crise sanitaire liée au coronavirus soulève bien des questions pour les psychologues. Dès la première allocution présidentielle, il s'est posé rien moins que celle de la poursuite de l'exercice clinique. Fallait-il continuer de recevoir, en respectant de strictes consignes d'hygiène dans les cabinets et lieux de soin ? Envisager de nouvelles modalités d'organisation pour la sécurité du praticien, de ses patients et plus largement pour ne pas contribuer à la diffusion du virus ? Beaucoup de questions économiques aussi liées aux arrêts maladies, aux immobilisations pour garder les enfants de moins de 16 ans, ou, en libéral, pour faire face à une très forte baisse à prévoir du chiffre d'affaire. Sur ces sujets, des fiches pratiques ont très vite été postées et actualisées sur le site des organisations professionnelles et syndicales comme celui du SNP et de la FFPP pour tenter de répondre au mieux aux inquiétudes[1].

L'arrivée des consignes de confinement s'est par ailleurs traduite par des recommandations nettes de la part des organisations professionnelles : en accord avec le décret du 16 mars portant sur la réglementation des déplacements, les psychologues devaient reporter leurs consultations autant que possible, ou proposer de la téléconsultation, les rencontres en face à face devant rester exceptionnelles, si elles étaient jugées « indispensables pour la santé mentale » d'un patient et réalisées dans le respect strict des gestes barrières. Dans des lettres à leurs membres, plusieurs sociétés de psychanalyse anticipent d'ores et déjà la nécessité qu'il y aura de penser collectivement les modalités, effets et conséquences de cette pratique à distance et plus généralement de mettre des mots sur cette expérience. Des pistes concrètes pour organiser la téléconsultation commencent par ailleurs à être postées sur différents sites internet.

Les psychologues en institution ont été quant à eux enjoints à se conformer aux recommandations de leurs établissements, dont il semble qu'elles aient été assez diverses d'un lieu à l'autre, avec des évolutions au fil des jours. Ici, les psychologues ont été placés d'emblée en télétravail ; d'autres l'ont été en fin de semaine dernière seulement ; certains ont poursuivi leurs consultations en présentiel, avant qu'on leur demande de se mettre en simple disponibilité par téléphone pour les patients les plus en besoin et dans l'attente d'une éventuelle réaffectation à des missions dans ce contexte d'urgence ; d'autres ont déjà intégré des dispositifs de crise. Une fiche publiée le 23 mars par le Ministère de la santé à destination des établissements de psychiatrie vise à clarifier cette réorganisation de ces soins nécessaire dans une période très critique.

 

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Ce qui est attendu par tous, c'est une forte hausse des besoins de soutien psychologique pendant et après la crise. « L'impact du contexte d'épidémie et les mesures gouvernementales sont susceptibles d'avoir des conséquences psychiques non négligeables sur un public déjà fragile », de « favoriser l'apparition de troubles psychopathologiques ou de décompensations au sein de la population », indique la fiche du Ministère de la Santé. Si ce dernier donne pour consigne le maintien de l'accueil individuel de première ligne dans les CMP – en vue d'éviter les arrivées massives aux urgences – mais en privilégiant la téléconsultation et en « [renforçant] et [organisant] l'accueil téléphonique », cela ne va pas sans poser de questions dans un contexte de manque drastique de moyens dans ces structures. Même si la fiche évoque le redéploiement des personnels généralement affectés à des activités groupales dans les hôpitaux psychiatriques vers cet accueil téléphonique. D'autant qu'est aussi évoquée la nécessité d'activer et renforcer les cellules d'urgence médico-psychologique (CUMP) pour organiser « une offre de soutien pour les personnels et les familles » dans les établissements médicaux, sociaux, et médico-sociaux.

Sera-t-il possible de répondre à tous ces besoins ? La crise sanitaire vient sans aucun doute mettre un point d'orgue aux cris d'alarme lancés depuis plusieurs années par la psychiatrie (mais aussi par l'hôpital, le médico-social)... Cela influera-t-il par la suite sur les décisions politiques qui pourront être prises dans le champ de la santé mentale ? Autant de questions qui restent en suspens. À plus court terme, le Syndicat national des psychologues a déjà fait savoir, dans un communiqué daté du 20 mars qu'il pousserait en haut lieu l'idée qu'un « réel dispositif de soutien et traitement psychologique, sous la gouverne des psychologues, soit pensé au niveau des mesures gouvernementales ».

Pour l'heure, bien des psychologues s'interrogent sur les moyens d'apporter leur soutien dans ce temps de crise, sans toujours savoir vers qui se tourner. Redoutant un éparpillement des bonnes volontés, le SNP a invité dans un communiqué du 20 mars, à se tourner vers les CUMP, dont certaines ont déployé des plans d'actions. Celle du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon a activé un dispositif de soutien psychologique pour les personnels, les patients et leurs familles, ainsi qu'une ligne d'écoute ouverte à la population. Des initiatives privées et bénévoles émergent en parallèle pour faire face à l'urgence que ce soit auprès du public que des soignants (associations, collectifs de psychologues, mutuelles, etc.)[2]. Il y a quelques jours, le directeur général de la santé annonçait la création d'une cellule d'aide psychologique via le numéro vert déjà ouvert au public pour répondre aux questions concernant le virus Covid-19. Faut-il redouter comme le SNP un manque de lisibilité de l'offre disponible ? Ou se réjouir d'une diversité garante de réactivité ? Quel impact le recours aux psychologues durant cette crise aura-t-il sur la perception de la profession dans la population et par les politiques ? Comment les psychologues, plongés eux-mêmes dans cette crise sans précédent, vont-ils vivre ces interventions d'urgence auxquelles ils ne sont pas toujours formés ? Des interrogations sur lesquelles nous n'avons sans doute pas fini de revenir.

Laetitia Darmon

 

[2] Exemples de dispositifs mis en place au niveau local ou national : plateforme Tous mobilisés, Ecoute et moi, CyberpsyCo, Psy For Med, Association SPS, Psychologues Solidaires, Action Inpsy via la plateforme BeMyPsy, HelpLine Covid19 – APHP, La Croix Rouge française, Association de psychanalyse le Pari de Lacan, Ecoute et soutien par le Pôle psychanalytique de l’ASM 13,…

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