Dossier : journal des psychologues n°257
Auteur(s) : Delage Michel
Présentation
Si les violences conjugales font aujourd’hui l’objet de plus en plus de condamnations pénales, il n’en demeure pas moins qu’il reste encore beaucoup à faire en matière de prise en charge thérapeutique pour les différents membres de la famille, que ce soient la victime, les enfants du couple, ou encore l’auteur des violences lui-même, mais plus encore dans l’idée d’une prise en charge thérapeutique de la relation violente en tant que telle. Mettre en place un dispositif de prise en charge nécessite de fédérer l’ensemble des partenaires concernés, y compris et surtout l’institution judiciaire.
Mots Clés
Détail de l'article
On sait la fréquence et l’importance des violences conjugales non seulement physiques, mais aussi psychologiques. On sait aussi les efforts fournis par le législateur au niveau des sanctions pénales encourues. On sait encore les campagnes d’information sur le sujet.
Cependant, la pratique clinique nous oblige à constater les balbutiements et les écarts entre ce qui est réellement fait pour traiter ces situations de violences et les déclarations de bonnes intentions.
Il existe, aujourd’hui encore, trop peu de dispositifs thérapeutiques cohérents capables de prendre en compte la globalité du problème, car une telle prise en compte nous oblige à modifier nos manières habituelles de penser et de travailler.
D’abord, nous sommes amenés à considérer des configurations complexes dans lesquelles plusieurs niveaux sont simultanément concernés : intrapsychiques, interpersonnels, transgénérationnels, conjugaux, impliquant deux partenaires, mais aussi familiaux et concernant les enfants.
Ensuite, nous sommes obligés de concevoir un travail en partenariat avec des professionnels issus de champs de savoirs et de pratiques différents dans des institutions souvent fort éloignées les unes des autres, et ce, tant dans leurs fonctionnements que dans leurs objectifs : acteurs du champ social et socio-éducatif, médecins et psychothérapeutes, policiers et gendarmes, milieu judiciaire, pour ne citer que les principaux.
Dans le domaine qui nous est propre, celui des psychothérapies, on a l’habitude de décrire, avec des références marquées par la psychopathologie analytique, les caractéristiques de personnalité des partenaires et les symptômes relationnels. On évoque alors des personnalités limites ou narcissiques, des relations conjugales de type anaclitique, c’est-à-dire établies sur la base de dépendances mutuelles ou de type narcissique ou pervers dominées par des relations de toute-puissance omnipotente ou d’emprise.
Mais cette clinique étant précisée, quelles modalités thérapeutiques sont mises en place ?
● On pense naturellement à soutenir les victimes, à les accompagner, et, fort heureusement, il existe un ensemble d’associations qui effectuent ce travail.
● Il est moins facile de réfléchir à une psychothérapie des auteurs de violences conjugales.
● Et que dire des thérapies de couple ? Que dire aussi de la prise en compte psychothérapique de la souffrance des enfants ?
Comment aider une victime honteuse, humiliée, terrorisée, traumatisée, lorsqu’en même temps elle entreprend de maintenir la relation avec celui qui la met dans cet état ?
Comment intervenir auprès d’un auteur de violences qui n’exprime aucune demande d’aide pour lui-même et qui, bien souvent, dénie des faits qui lui sont reprochés ou leur importance ?
Comment, dans ces conditions, soigner la relation entre les partenaires ? Car c’est bien d’abord de cela qu’il s’agit : soigner une relation qui fait mal, qui fait souffrir et qui maintient ensemble les conjoints. Quels que soient les profils de personnalité, quelle que soit la dysfonctionnalité familiale, l’élément dominant est l’existence d’une relation inacceptable, car marquée par la violence. Cette relation, en raison des dommages qu’elle entraîne, doit cesser sans délai, par la rupture du lien, si une mesure de séparation conjugale est engagée, ou par cessation de la violence dans les cas où la relation se poursuit, ce qui est le plus fréquent.
Le contexte d’aide contrainte
Il est de la responsabilité de l’auteur de cesser les violences qu’il commet. Cela ne semble pouvoir être envisagé que s’il est contraint de le faire, car l’on sait bien ce que valent les promesses, aussi sincères soient-elles.
D’ailleurs, bien souvent, l’auteur est habitué aux promesses. Il a déjà de nombreuses fois promis à sa partenaire de ne plus recommencer. À moins que la promesse ne s’inscrive comme une manœuvre, une stratégie visant à se débarrasser d’un intervenant qui prétendrait vouloir changer quelque chose à une relation que l’auteur n’a aucun désir de changer.
Mais une fois posé le principe de la contrainte, comment en préciser le contexte ? Est-ce que celui-ci se résume aux sanctions prévues par la loi ?
Suffit-il de sanctionner les actes transgressifs pour y mettre un terme ?
Les poursuites judiciaires et la sanction pénale apparaissent tout à la fois comme des punitions d’actes inadmissibles et comme susceptibles de prévenir la récidive par la menace de sanctions plus graves encourues. Remarquons ici qu’il existe des mesures alternatives aux poursuites. Il en est ainsi de la médiation pénale, peu adaptée aux violences conjugales. La violence suppose un auteur et une victime, par conséquent deux partenaires qui sont dans une relation très asymétrique. La médiation implique une certaine symétrie entre deux partenaires qui cherchent à trouver un accord, fût-ce celui qui pourrait concerner une séparation. Mais elle ne désigne pas avec suffisamment de force et de clarté un coupable et une victime. Elle ne peut donc concerner que certaines situations de violence très légères et isolées, une sorte d’incident de parcours dans une relation conjugale.
Donc, la plupart du temps, les poursuites sont la réponse pénale adaptée, que l’auteur soit placé en détention en cas de violences graves ou de récidives, laissé libre jusqu’à l’audience ou alors placé sous contrôle judiciaire avec obligation de respecter certaines conditions (ne plus être domicilié chez la victime, ne plus la rencontrer).
La condamnation prévoit des peines d’emprisonnement et des amendes. Les peines d’emprisonnement peuvent être effectives ou assorties d’un sursis. Mais on sait bien que, si la sanction est nécessaire, elle n’est pas suffisante, dès lors que l’on considère la violence comme inscrite dans une relation malade et comme l’expression de personnalités pathologiques.
Il paraît donc légitime que la contrainte ne consiste pas seulement à être condamné
La contrainte, c’est aussi celle d’être aidé. Il nous faut alors préciser comment il est possible de travailler quand aucune demande d’aide n’a été faite. Les psychiatres sont habitués à intervenir dans la contrainte lorsqu’ils sont amenés à prodiguer leurs soins dans un contexte d’hospitalisation à la demande d’un tiers. Précisément, dans ces cas, ce n’est pas le psychiatre traitant qui pose la contrainte, mais un tiers, extérieur à la relation qui va s’instaurer entre le psychiatre et le patient.
Dans le contexte qui nous concerne, on voit bien que le tiers est naturellement et légitimement celui qui incarne la loi. C’est le juge qui est le seul à même de créer ce contexte d’aide dans la contrainte.
Remarquons que la contrainte ainsi prononcée place le thérapeute et le patient au même niveau, dans un contexte où l’un et l’autre sont soumis à une obligation, celle de se rencontrer ; ils sont cependant libres de travailler comme ils l’entendent. Le contexte est ainsi soumis à un niveau logique supérieur, de sorte que chacun est tenu de rendre compte du bon respect de l’obligation de se rencontrer, tandis que tous deux sont libres du contenu de leur relation.
Dans ces conditions, comment articuler ce qui relève de la nécessaire sanction pénale et ce qui relève de la contrainte d’aide ?
La première difficulté, paradoxalement, est de convaincre les magistrats de l’intérêt de prononcer des obligations de soins, pourtant prévues par la loi. La seconde est de situer cette obligation de soins par rapport à la sanction pénale.
Le seul contexte clair et dénué de toute ambiguïté concerne l’obligation de soins associée à la sanction lors du jugement. Par conséquent, connecté au jugement, le soin est déconnecté de toute manœuvre utilitaire, de toute arrière-pensée visant l’obtention d’une atténuation de la peine.
À Toulon, nous avons œuvré dans cette direction pour obtenir l’établissement d’une convention liant plusieurs partenaires et visant l’entrée des auteurs de violence dans un dispositif thérapeutique en postjugement, pour tous ceux – et ils sont les plus nombreux – qui sont condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis. Des obstacles trop longs à détailler ici nous ont contraints à renoncer à ce projet initial et à accepter un dispositif plus modeste, situant la contrainte d’aide dans le temps d’un contrôle judiciaire assorti d’une obligation pour l’auteur de quitter le domicile de la victime et de ne pas la rencontrer.
Sous cette forme, ce type d’aide contrainte n’est pas très satisfaisant. Il intervient dans un temps bref et dans une période où l’intéressé, qui n’a pas encore été condamné, n’est pas reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés. Ayant, de fait, tout intérêt à les minimiser, il est donc difficile de travailler sur le déni. Nous avons cependant accepté d’œuvrer dans ce contexte, pensant qu’il était temps, après plusieurs années de discussion, de mettre les partenaires au travail pour proposer une aide à des auteurs fragilisés par la situation de contrôle judiciaire et la garde à vue qu’ils ont souvent eue à subir.
Le dispositif d’intervention
La convention
Dans le souci d’un travail inscrit dans la globalité des situations rencontrées, une convention a été établie en 2006, liant, d’une part, la justice, la préfecture, le département, la région et la ville de Toulon, et, d’autre part, quatre associations concernées par le problème des violences conjugales : AVEF, dont les objectifs généraux sont orientés vers l’aide à la parentalité et qui soutient le projet thérapeutique auprès des auteurs, Avenir, association mandatée pour le suivi judiciaire et socio-éducatif des personnes placées sous contrôle judiciaire, AAVIV et Femme d’aujourd’hui, associations assurant l’accueil et le suivi des victimes.
Les auteurs placés sous contrôle judiciaire et obligation de soins sont orientés par Avenir à l’AVEF pour être inclus dans un dispositif d’aide groupale. Dans un même temps, il est suggéré aux victimes d’aller consulter une des associations d’aide aux victimes. AVEF signale à Avenir tout manquement au rendez-vous et-ou la survenue de nouvelles violences. À l’issue de la prise en charge intervenant juste avant le jugement, un écrit est remis à l’intéressé, mentionnant simplement son assiduité et d’éventuelles rechutes. De son côté, l’intéressé est invité à faire des commentaires et observations sur le programme suivi.
Le groupe d’aide
Ce protocole comporte six à huit séances hebdomadaires de deux heures, animées par quatre thérapeutes travaillant en alternance, afin que chaque séance soit animée par un couple homme-femme et qu’un relais puisse être assuré, d’une séance à l’autre, par l’un des intervenants.
L’objectif du travail, dans un laps de temps aussi bref, ne peut donc être que psychoéducatif, centré sur les actes et sur la nécessité de les reconsidérer.
Par conséquent, il y est question :
● de la désignation des actes et du déni qui les entoure : déni des faits, déni de la conscience (« Je n’étais pas dans mon état normal »), déni des responsabilités (« Elle m’a provoqué »), déni de l’impact (« Je ne lui ai pas fait si mal ») ;
● des représentations de la femme et des liens de dépendance souvent instaurés avec elle (réflexion sur l’altérité) ;
● de la manière dont sont liés les actes et les affects (il y a, en général, une grande difficulté à mettre en connexion émotion et pensée).
Les processus de mentalisation étant souvent défaillants, nous nous aidons de photos ou de documents vidéo qui, servant de support aux échanges, permettent de relancer les réflexions et certaines élaborations.
Le groupe joue un rôle essentiel dans le travail de soutien, de représentation, d’identification, de responsabilisation chez des personnes qui paraissent à première vue rigides, peu empathiques, peu capables de jugements critiques, mais qui, au contact des autres, s’humanisent, laissant deviner des souffrances, des tendances dépressives, un positionnement infantile. La situation du contrôle judiciaire amène ainsi certains d’entre eux à vivre un véritable état de choc et les confronte à la solitude, à la perte de leurs repères, parfois à un véritable désespoir.
Le groupe permet alors que se développe une certaine solidarité qu’émerge une ébauche de demande formalisée sous la forme d’une demande à prolonger les séances groupales. Dans ces cas particuliers, nous acceptons le renouvellement d’un cycle de six à huit séances, dans l’espoir qu’une demande de thérapie individuelle émerge ensuite.
Par ailleurs, dans certaines situations, nous estimons pouvoir orienter ultérieurement vers un travail de couple. Il arrive que ce travail soit explicitement demandé par certains au cours des séances groupales. Nous refusons alors systématiquement, estimant que ce travail n’est pas pertinent à ce moment de la prise en charge, parce que le temps du contrôle judiciaire ne rend pas possible la rencontre de l’auteur avec sa compagne, mais aussi parce qu’il est nécessaire que l’auteur prenne, au préalable, un temps de réflexion sur sa violence, sur son déni, sur ses représentations de soi et d’autrui.
En aucun cas, le contexte relationnel doit venir en lieu et place de tout ce qui relève de la problématique et de la responsabilité personnelle de l’auteur. Cependant, jusqu’à ce jour, à l’exception d’un seul travail de couple, aucun travail individuel n’a pu être enclenché.
Les limites de notre intervention
Elles tiennent au degré d’engagement de nos partenaires, aux insuffisances de notre dispositif, aux difficultés d’inclure notre travail dans une globalité qui permette l’aide aux victimes parallèlement au travail fait avec les auteurs.
Les partenaires du monde judiciaire sont des partenaires difficiles. Ce travail collaboratif repose sur certaines individualités investies dans des perspectives de prévention de la récidive. Mais il n’existe pas une volonté institutionnelle d’insérer le travail de la justice dans une globalité d’intervention. Des magistrats « oublient » de prononcer des mesures d’obligation de soins. Notre dispositif est insuffisant, trop bref et ne parvient pas, de fait, à susciter une demande d’aide pour un travail ultérieur, qu’il soit individuel, groupal ou de couple.
Enfin, les victimes, dont les partenaires ont été placés sous contrôle judiciaire, ont été exclus du domicile ou ont bénéficié d’une aide groupale, n’ont pas sollicité d’aide auprès des associations concernées. Comment comprendre un tel effacement des victimes ?
Sans doute, certaines d’entre elles ont engagé une démarche de séparation (mais on sait à ce niveau les hésitations et les volte-face qui peuvent s’ensuivre).
D’autres, sans doute, sont dans l’illusion que l’action conjointe de la justice et de la prise en charge thérapeutique va leur permettre de retrouver un partenaire acceptable, c’est-à-dire un malade soigné. Et d’autres encore sont trop dans la souffrance traumatique pour demander de l’aide, écrasées par le désespoir et la honte. Sans doute, aussi, serait-il bon d’envisager un engagement plus fort du côté des associations d’aide aux victimes, plus d’implications, de mains tendues, sous forme, par exemple, d’entretiens téléphoniques à visée thérapeutique (prise de nouvelles, conversations soutenantes sur la gestion du quotidien, sur la santé et le comportement des enfants…).
Réflexions, projets et interrogations pour l’avenir
Il nous faut réfléchir à nouveau à la contrainte et à son articulation avec l’aide thérapeutique. Nous pouvons ainsi considérer plusieurs étapes ou plusieurs marches.
La première étape, la première marche en somme, est celle qui correspond au moment où l’intéressé a été présenté à la justice, placé sous contrôle judiciaire, accueilli par l’association Avenir.
La deuxième marche, celle que nous occupons actuellement, est celle d’un accueil psychoéducatif groupal par des thérapeutes spécialisés.
Il nous reste, à présent, à travailler avec nos partenaires à l’établissement d’une troisième marche, celle qui interviendrait en postjugement et sur laquelle un véritable travail thérapeutique contraint pourrait être envisagé.
En même temps, les choses se compliquent parce qu’il est possible que, sur cette troisième marche, puisse s’articuler ce qui relève de la contrainte et ce qui relève de l’aide spontanée.
Ce qui relève de la contrainte, c’est l’injonction pour l’auteur de suivre une thérapie qui, selon nous, ne peut être qu’une thérapie groupale sur un temps suffisamment long, c’est-à-dire sur une durée minimale de six mois. Le groupe nous paraît être une nécessité thérapeutique, permettant ainsi de jouer à plein sur les phénomènes d’identification. Il permet également la mise en place d’un tiers groupal régulateur des émotions et facilitateur des processus de mentalisation le plus souvent défaillants chez les uns et les autres. Ce qui relève d’un travail plus spontané, c’est la décision qui peut être prise, dans un second temps, et d’un commun accord, entre l’intéressé et les thérapeutes du groupe d’une aide individuelle et-ou d’un travail de couple. Il s’agit là de modalités techniques que seuls les thérapeutes sont à même d’apprécier en fonction de la singularité des cas. On voit bien ici que le travail individuel ou de couple nécessite une maturation, une préparation. Mais si, d’un côté, le travail groupal avec les auteurs peut aider ces derniers dans cette préparation et dans l’émergence d’une demande, il est tout aussi important, d’un autre côté, que la victime soit aidée dans sa propre souffrance et dans sa propre réflexion.
Donc, il s’agit de travailler sur la base de la contrainte initiale du groupe à la création d’un contexte thérapeutique dans lequel il est possible d’aider les deux partenaires, dans la dysfonctionnalité relationnelle qu’ils ont mise en place ou qu’ils entretiennent.
Mais, à ne considérer que les deux partenaires de la relation conjugale, nous risquons bien d’avoir un peu trop diaphragmé notre vision. Un élément majeur peut orienter le travail d’une manière différente : la présence d’enfants. Ne pouvant négliger cette donnée, nous devons donc mener une évaluation systématique des retombées de la violence conjugale à leur niveau, et ce, au nom de la protection de l’enfance.
Nous devons toujours conserver une vision globale, car, bien souvent, la violence conjugale peut aussi révéler une vie familiale empreinte de maltraitance physique des enfants ou d’un manque de soins. Dans tous les cas, les enfants sont concernés par la relation profondément dysfonctionnelle entre leurs parents, qu’ils en subissent passivement les conséquences ou qu’ils y soient engagés comme partenaires actifs.
Nous abordons alors une quatrième marche où il est question de l’aide aux enfants, du travail sur la parentalité et sur la création d’un contexte de bientraitance familiale.
Il s’agit alors d’un travail thérapeutique dans le cadre de la protection de l’enfance. Il peut nécessiter la mise en place d’une nouvelle intervention sous contrainte : non plus la contrainte pour l’auteur de travailler sur sa violence, mais la contrainte pour les parents de travailler ensemble sur leurs compétences auprès des enfants. C’est alors sans doute la mise en place de cette contrainte double (et non pas d’une double contrainte) qui peut amener deux partenaires à travailler sur leurs relations au sein de l’ensemble familial. Nous en arrivons, par conséquent, à considérer que, dans certains cas, les femmes victimes peuvent être prises dans la contrainte thérapeutique non pas en tant que conjointe dans le contexte des violences conjugales, mais en tant que mère et partenaire parentale dans le contexte de l’enfance en danger. Les parents sont donc ainsi invités à travailler comme partenaires par le biais de leur coresponsabilité dans la protection des enfants.
Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en place un dispositif de ce type. Nous n’avons d’ailleurs envisagé que le cas de figure d’auteurs de violence qui seraient laissés libres après jugement. En cas d’incarcération, la particularité de la situation nécessiterait une approche et un travail encore tout autres.
Vers une prise en charge globale ?
Les violences conjugales nous confrontent à de nombreux risques de clivage et de dysfonctionnements si nous prétendons vouloir les prendre en charge. Les interventions présentent un grand risque d’échec si elles ne tiennent pas compte de l’ensemble des différents niveaux logiques concernés et des différents partenaires impliqués.
Il est probable que des structures capables d’apporter à la fois une aide psychologique et sociale et qui permettraient un véritable travail de partenariat avec la justice seraient les plus adéquates.
À défaut de disposer de telles structures, le travail articulé en réseau nous semble indispensable. Beaucoup d’efforts sont encore à faire pour que les différents professionnels qui interviennent dans le champ médico-social puissent tisser entre eux des liens établis sur le respect et la reconnaissance mutuelle, sur la confiance et sur le souci de collaboration. Ce n’est que de cette manière que l’on pourra proposer aux différents protagonistes impliqués dans les violences conjugales de travailler à l’amélioration de leurs propres liens. ■
Avec la collaboration d’Alexandrine Sanchez, psychologue et thérapeute familiale, et de Jean-Luc Bruno et Maryse Degiovanni, travailleurs sociaux et thérapeutes familiaux, de l’association Vivre en famille (AVEF), La Seyne-sur-Mer
BibliographieChristen M., Heim C., Silvestre M., Vasselier-Novelli C., 2004, Vivre sans violence, Ramonville-Saint-Agne, Érès. |