L'enfant, l'hôpital et le psychologue

Résumé

Lorsqu’une maladie grave ou chronique surgit dans une famille entraînant l’hospitalisation de l’enfant, elle devient instantanément un important facteur de stress psychosocial. Elle modifie les relations de l’enfant à son entourage, en introduisant discontinuité et décalage dans l’expérience temporelle personnelle du sujet et de sa famille.

Introduction du dossier

L’enfant à l’hôpital

Lorsqu’une maladie grave ou chronique surgit dans une famille entraînant l’hospitalisation de l’enfant, elle devient instantanément un important facteur de stress psychosocial. Elle modifie les relations de l’enfant à son entourage, en introduisant discontinuité et décalage dans l’expérience temporelle personnelle du sujet et de sa famille.
La discontinuité se réfère à la perspective temporelle, processus par lequel l’individu évalue le temps et l’événement. Le souvenir du passé devient point de repère et objectif à atteindre, dans l’espoir inconscient d’un retour à un état de santé.
Le décalage se réfère à la modification du temps subjectivement saisissable et pourrait se définir comme un état affectif irritant, ressenti par le patient aux prises avec la contrainte quotidienne de soins,
dans ses rapports à autrui.
Discontinuité et décalage sont deux phénomènes qui touchent la représentation de soi et des autres et qui suscitent sidération, anxiété et vécus dysphoriques perturbant profondément l’ensemble du système familial. Ils prennent corps dans le concret de l’hospitalisation. Mais c’est aussi dans le temps de l’hospitalisation, dans le réel de la maladie, qu’il est possible, grâce à l’intervention psychologique, d’agir sur ces phé­nomènes pour réduire leur impact néga­tif et rétablir le fonctionnement psychique des sujets impliqués. Et ce sont les psychologues hospitaliers qui, par leur savoir spécifique et leur compétence unique, contribuent à donner sens aux conséquences de la maladie et de l’hospitalisation.
Ce dossier est né de la volonté de nombre d’entre eux de témoigner de leurs pratiques et de leurs intérêts. Chacun est confronté à des problématiques diverses et à des contextes d’exercice variés. Chacun a des pratiques personnelles, des objectifs propres ou des cadres théoriques différents. Mais tous se retrouvent aux prises avec la souffrance et le désarroi des familles, ainsi qu’avec des questionnements éthiques essentiels. Et, de ce fait, tous s’accordent sur l’importance de quelques points fondamentaux de leur pratique quotidienne qui favorisent la construction d’un rôle professionnel bien identifié et opérant.
Il s’agit, en premier lieu, d’une conception pluridisciplinaire des pratiques psychologiques. Le psychologue est membre d’une équipe avec laquelle il partage des informations
et des expériences, dans l’intérêt de l’enfant et de sa famille. Il ne peut travailler seul, sous peine d’isolement et de discrédit.
En deuxième lieu, les auteurs de ce numéro nous montrent comment s’élaborent les pratiques : dans la créativité renouvelée au quotidien. Soit par l’intermédiaire
de la recherche praticienne systématisée, soit au « lit du malade », dans l’immédiateté des besoins et des situations. Le psychologue apparaît comme un « chercheur » au quotidien qui « invente » et « réinvente » son intervention pour répondre au mieux aux exigences de sa profession.
Enfin, le psychologue a une fonction pédagogique vis-à-vis de l’ensemble
de ses partenaires. C’est, en effet, à lui que revient la tâche d’affirmer et de réaffirmer son apport spécifique pour étendre et diversifier la portée de ses interventions.
Suivons donc, pas à pas, les auteurs de ce dossier dans le quotidien de leurs pratiques et imprégnons-nous de leur habile créativité !

Les articles du dossier

Le psychologue, l’enfant et les sortilèges de la maladie

Si la psychologie a été introduite dès la fin des années cinquante à l’hôpital, ce n’est que dans les années soixante-dix que le statut de personnel hospitalier reconnaît au psychologue une place en service de pédiatrie. Essentiellement sollicité comme testeur au départ, il est aujourd’hui attendu auprès de l’enfant malade, de sa famille et du personnel soignant, pour mettre des mots sur les maux. Histoire, enjeux et perspectives de cette pratique. (Lire la suite)

L’annonce de diagnostics graves en pédiatrie. Un processus coconstruit par les parents et les soignants

Malgré les connaissances actuelles sur le sujet, les annonces sont évaluées, pour 40 % d’entre elles, par les parents comme étant non appropriées. La communication peut être améliorée en soutenant le rôle parental. Les parents doivent être reconnus dans leurs compétences ; ainsi, les soignants ont à transmettre leur message, mais aussi à écouter le savoir des parents. (Lire la suite)

L’estime de soi chez les enfants diabétiques

Le diabète insulino-dépendant est la maladie endocrinologique la plus fréquente chez l’enfant. Si cette maladie chronique ne remet pas directement en cause le pronostic vital, elle implique néanmoins de nombreuses contraintes qui entraînent des bouleversements profonds dans la vie de l’enfant et de son entourage familial. L’étude présentée propose de comprendre l’impact de la maladie sur l’estime de soi de l’enfant d’après le regard croisé d’enfants diabétiques et de leurs parents. (Lire la suite)

Un accompagnement ­psychologique de familles ­d’enfants polytraumatisés

Lorsque survient un accident grave menaçant brutalement la vie d’un enfant, la famille arrive en état de choc à l’hôpital. On assiste, dans ce contexte, à la demande croissante d’une présence immédiate du psychologue hospitalier. Quelle prise en charge proposer à ces familles en état de choc traumatique ? Voici, à la lumière d’une vignette clinique, l’illustration d’une pratique quotidienne proposant un accompagnement psychologique immédiat et continu le temps de l’hospitalisation de l’enfant. (Lire la suite)

L’enfant et la maladie grave

Le diagnostic d’une leucémie engage le pronostic vital de l’enfant et entraîne des bouleversements majeurs dans la famille. Cette dimension nécessite un accompagnement spécifique et notamment la prise en charge par le groupe, qui permet la reprise des forces pulsionnelles de vie à l’intérieur de la famille. (Lire la suite)

Des consultations externes à l’accompagnement des personnes

Le psychologue était autrefois perçu comme l’élément extérieur à l’équipe, n’ayant comme fonction que celle de l’évaluation psychométrique. En apprivoisant le milieu hospitalier, le psychologue a pu faire entendre une autre approche que celle purement somatique. Il est aujourd’hui complètement intégré dans les équipes pluridisciplinaires de façon à aider les familles, les enfants et les soignants, à mieux se comprendre et à trouver en eux les ressources nécessaires à la confrontation à la souffrance, au handicap, voire à la mort. Témoignage d’une pratique en évolution. (Lire la suite)

Bibliographie du dossier

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