Études de cas cliniques à partir du WISC-IV : intérêt et limites

Le Journal des psychologues n°253

Dossier : journal des psychologues n°253

Extrait du dossier : Le WISC se met en IV
Date de parution : Décembre - Janvier 2008
Rubrique dans le JDP : Dossier
Nombre de mots : 4000

Présentation

Les deux auteurs ont choisi de présenter quatre cas d’enfants et d’adolescents rencontrés lors d’un examen psychologique comprenant la passation du Wisc-iv. En se centrant sur la dimension clinique de la passation, elles proposent une comparaison de leurs résultats avec ceux qu’elles avaient l’habitude d’observer à partir de situations similaires avec le WISC-III.

Détail de l'article

Afin d’essayer de repérer les transformations opérées par le WISC-IV, nous avons particulièrement centré notre propos sur les nouveaux subtests. Nous n’envisageons pas ici une analyse quantitative statistique des résultats, mais nous proposons une réflexion clinique sur le changement conceptuel imposé par le WISC-IV, en tant qu’outil de mesure des dimensions d’intelligence cristallisée et fluide, considérées comme les plus importantes du fonctionnement cognitif.
Quelques questions se posent d’emblée. Comment le psychologue clinicien, qui utilise principalement les échelles de Wechsler, va-t-il pouvoir repérer une approche globale du sujet à travers la dispersion des scores quantitatifs s’il n’a plus la possibilité d’une analyse qualitative des réponses ? Les quatre indices calculés au WISC-IV étant des indices factoriels, comment établir un lien avec des facteurs affectifs ou comportementaux qui permettraient aux cliniciens de proposer quelques hypothèses cliniques interprétatives introduites en 1974 par Simone Bourgès, et ce, quelques années après la traduction et le premier étalonnage du Wisc en France ? Les échelles de Wechsler pour enfants ont été plusieurs fois réadaptées en France : le WISC-R en 1981 et le WISC-III en 1995. Elles se sont toujours appuyées sur une même logique de construction avec des notes de QI calculées comme des notes standard, afin d’avoir la même distribution caractéristique à tout âge, l’administration des mêmes subtests à tous les sujets testés et le regroupement de chaque note de subtests en une seule échelle pour le calcul des QI à chaque âge. Les subtests étaient répartis dans une échelle verbale et une échelle de performance pour lesquelles on établissait un QI Verbal et un QI de Performance avant d’évaluer le QI Total, permettant ainsi une analyse des scores au niveau intra-individuel, dite « analyse du profil du sujet », et au niveau interindividuel, où les notes standard du sujet sont comparées aux notes standard moyennes de l’ensemble de la population.
Comme le soulignait J. Grégoire, « Wechsler, en préconisant le calcul d’un QI Verbal et d’un QI de Performance, avait ouvert la porte à une analyse plus fine des résultats ». De nombreux psychologues cliniciens se sont appuyés, dans leur interprétation, sur cette analyse fine des résultats comparés entre l’échelle Verbale et l’échelle de Performance. Les résultats d’un test n’ont pas de sens en eux-mêmes, c’est le psychologue qui le leur donne. Selon M. Emmanuelli (1999), « le bilan psychologique est un ensemble qui se construit peu à peu à partir d’un faisceau de données et s’inscrit dans une relation elle-même porteuse de sens ».
Les modifications apportées par le WISC-IV s’inscrivent dans une démarche théorique radicalement différente. La conception du WISC-IV n’est plus globale mais factorielle et, comme le souligne P. Rozencwajg (2006), cette version du test introduit une rupture. Les modèles de référence de l’intelligence ne sont plus ceux de l’intelligence globale définis par D. Wechsler, mais sont des modèles théoriques neuropsychologiques où « chaque dimension est choisie pour son importance dans les théories actuelles sur l’intelligence : l’opposition Intelligence fluide (GF)/Intelligence cristallisée (GC), la Mémoire de travail et la Vitesse de traitement » (Rozencwajg, 2006). Ce changement conceptuel d’évaluation de l’intelligence doit nous permettre de réfléchir à l’élaboration d’une nouvelle analyse clinique dans la pratique du WISC-IV. Nous pensons que celle-ci devra sans doute intégrer à la fois les comparaisons des différences entre indices telles qu’elles sont conçues dans le test, mais également une observation clinique de chaque nouveau subtest introduit dans le WISC-IV, à savoir Identification de concepts et Matrices dans l’indice de Raisonnement perceptif (IRP), Séquences lettres-chiffres dans l’indice de Mémoire de travail (imt) et Symboles dans l’indice de Vitesse de traitement (IVT). Seul l’indice de Compréhension verbale (ICV) n’introduit pas de nouveaux subtests par rapport au Wisc-iii, bien qu’il ait été remanié. L’analyse clinique pourra également se porter sur les nombreux nouveaux items introduits dans les épreuves verbales.
Nous avons ainsi choisi de présenter l’observation clinique des échecs à un certain nombre d’épreuves, ainsi qu’une partie de l’analyse de la Mémoire de travail et de la Vitesse de traitement.
Nous donnerons succinctement des éléments de l’anamnèse de chacun des sujets pour nous centrer essentiellement sur l’analyse clinique des réponses et quelques hypothèses interprétatives.

 

Benjamin et Christophe
Benjamin et Christophe ont passé le WISC-IV dans le cadre d’une consultation en centre médico-psychologique, pour l’un, et en service d’éducation spécialisée à domicile (sessed), pour l’autre. Ils sont tous deux des adolescents âgés de quinze ans (Benjamin) et de dix-sept ans (Christophe).
Benjamin suit actuellement une classe de quatrième, après avoir effectué un parcours scolaire en clis pendant tout le primaire, à l’exception du cm2. À l’âge de cinq ans, Benjamin est diagnostiqué psychotique et est alors orienté en hôpital de jour où il y restera pendant quelques années jusqu’à son entrée en clis. La demande de passation du Wisc vient des parents et de l’institution où il bénéficie d’une prise en charge pédagogique deux fois par semaine. On notera que Benjamin vit dans un milieu socialement favorisé.
Les résultats de Benjamin au WISC-IV le positionnent à un niveau moyen faible, avec un QI Total de 82 compris dans un intervalle de confiance à 12 de (76-90), et sont hétérogènes en ce qui concerne le raisonnement perceptif. On note également l’existence d’un échec massif à la Vitesse de traitement.
À l’indice de Vitesse de traitement (IVT=59), le subtest Code est complètement échoué (1) et on constate des difficultés graphiques importantes qui ralentissent Benjamin dans son apprentissage ; l’échec au subtest Symboles (3) témoigne de difficultés de coordination visuo-motrice. L’indice de Mémoire de travail étant bien mieux réussi (imt=106), on peut s’interroger sur cette différence, la mé­moire de travail nécessitant attention et concentration. Le subtest Séquences lettres-chiffres étant réussi de manière correcte et le subtest Mémoire des chiffres étant très bien réussi, Benjamin possède une capacité de représentation visuo-spatiale et de vitesse de traitement. On peut penser que cette différence significative statistiquement (IMT-IVT=47, valeur critique 14,76 à .05) est également cliniquement significative dans la mesure où elle nous renseigne sur le mode de fonctionnement cognitif et affectif de Benjamin. Il est capable de raisonnement sur un versant verbal, cependant, sur le plan de la coordination visuelle et spatiale, il est en difficulté. Très angoissé à l’épreuve du Code, il ne peut pas laisser de traces graphiques adaptées à une épreuve chronométrée. De même, la différence marquante entre icv et IVT ( ICV- IVT=39 valeur critique 16,29 à .05) nous interroge sur ses échecs à deux subtests : Matrices et Complètement d’images ; ce subtest du Wisc-iii, devenu additionnel au WISC-IV, apparaît toutefois intéressant à conserver du point de vue clinique en ce qu’il révèle sur les capacités de perception fine, d’attention au détail et à ce qui manque. C’est, en outre, un des seuls subtests, depuis la disparition de l’Assemblage d’objets, dans lequel la dimension de repérage de l’intégrité corporelle du sujet est mise à l’épreuve dans les images humaines comme « main », « miroir », « homme », « visage » ou « profil ».
Chez Benjamin, on ne retrouve pas de réponses significatives au Complètement d’images, mais des difficultés d’attention et une anxiété qui le font échouer comme au subtest Matrices.
Ces épreuves soulignent l’interaction que le clinicien doit essayer de repérer entre la dimension affective et cognitive lors de la passation et de l’interprétation des résultats. Les résultats de Benjamin montrent un potentiel cognitif qui lui ont permis une adaptation scolaire et sociale correcte, confirmée par la passation du WISC-IV où Benjamin s’est montré coopératif et motivé. Cependant, la dysharmonie des résultats interroge la clinique dans le rapport de Benjamin au corps et à la trace symbolique qu’il peut laisser.
Il nous a semblé intéressant de mettre en parallèle le protocole du WISC-IV de Christophe qui illustre de façon similaire une dysharmonie cognitive avec des résultats cependant beaucoup plus faibles.
Christophe est un adolescent de dix-sept ans, scolarisé en maison familiale et rurale (MFR) à la suite d’un parcours scolaire difficile depuis la grande section de maternelle. D’après sa mère qui l’accompagne, Christophe n’a jamais posé de « problèmes psychologiques » et a été orienté en fin de cinquième en mfr après avoir redoublé la grande section de maternelle et le cm2. La demande de bilan émane des parents qui souhaitent envisager une éventuelle réorientation professionnelle pour Christophe qui ne se plaît pas en mfr. Tout comme Benjamin, il vit dans un milieu socialement favorisé, et sa mère évoquera en fin d’entretien son adoption lorsqu’il était bébé.
Les résultats de Christophe au WISC-IV sont très faibles, avec un QI Total égal à 59 compris dans un intervalle de confiance à .03 de (55-68). De même que pour Benjamin, c’est l’indice de Vitesse de traitement et l’indice de Mémoire de travail qui vont être révélateurs, ainsi que le rapport entre l’indice de Raisonnement perceptif et la Vitesse de traitement. Comme pour Benjamin, c’est l’indice de Compréhension verbale qui est le mieux réussi (ICV=78), alors que les deux indices de Mémoire de travail et de Vitesse de traitement sont échoués (IMT=60) et (IVT=78). Cependant, si la différence est significative, elle est inversée par rapport à Benjamin, la Vitesse de traitement étant ici supérieure à la Mémoire de travail très échouée de façon homogène. Or, selon J. Grégoire (2006), la fonction de la Mémoire de travail est « de conserver de manière active des informations sensorielles ou des représentations récupérées dans la mémoire à long terme, ainsi que de manipuler et de combiner ces informations », elle serait presque identique à l’intelligence fluide et la Vitesse de traitement améliorerait la Mémoire de travail. Comment expliquer cliniquement cet échec ?
De même, le subtest des Cubes est massivement échoué (1), alors que l’indice de Raisonnement perceptif est supérieur à la Mémoire de travail. Comment expliquer cet échec isolé ? Chez Benjamin, on a pu repérer des éléments cliniques d’anxiété par rapport au corps, apparaissant lors des subtests Graphiques et au Complètement d’images ; chez Christophe, l’anxiété se manifeste essentiellement au subtest des Cubes pendant lequel il se montre très lent, essayant de commenter les figures et allant jusqu’à bégayer. Cette épreuve sans verbalisation nécessite une capacité d’analyse et de synthèse des stimuli visuels abstraits en même temps qu’une grande autonomie dans l’accomplissement de la tâche. L’absence d’étayage possible sur le clinicien interroge le choix des Cubes comme première épreuve de passation du test chez des sujets anxieux. Tout au long de la passation, Christophe paraît assez immature, et c’est dans les épreuves verbales que son anxiété se manifeste le plus. Aux subtests Vocabulaire et Similitudes, Christophe ajoute des commentaires à ses réponses (à l’item « colère-joie » des Similitudes, il raconte les colères qu’il fait souvent contre sa mère ; à l’item « rivalité » du Vocabulaire, il raconte ses disputes de famille). Les épreuves verbales restent les plus intéressantes cliniquement, grâce à la dimension projective de certaines questions et par la relation qu’elles permettent avec le clinicien. On peut regretter, de ce fait, que le subtest Arrangement d’images ait été supprimé du WISC-IV, car il permettait au clinicien, dans certains cas, de demander à l’enfant de raconter l’histoire correspondant à l’image et d’établir un lien de confiance, et parfois d’introduire un certain humour dans le commentaire des images. L’Arrangement d’images était également un bon indicateur avec Compréhension des relations de l’enfant avec son environnement social.

 

Martin et Constance
Martin et Constance ont été vus dans le cadre d’un travail de recherche sur des enfants à haut potentiel au moment de l’entrée dans l’adolescence.

 

Le cas de Martin, onze ans un mois
Martin est l’aîné d’une fratrie de trois enfants, tous identifiés comme étant intellectuellement précoces. Il est scolarisé en classe de cinquième avec deux ans d’avance et, d’après lui, il a trouvé sa place au milieu de ses pairs. Plusieurs éléments apparaissent lors de l’entretien préalable à la passation du WISC-IV : Martin montre un sentiment de toute-puissance propre à l’adolescence, se rapprochant de la prise de risque. Il semble partagé entre l’opposition systématique à toute forme d’autorité parentale qui pourrait correspondre à son âge mental d’adolescent et, en même temps, il est encore dans l’identification au parent du même sexe, ce qui est propre à son âge réel. Il est intéressant de constater que ces éléments se retrouvent dans ses réponses aux subtests Similitudes et Vocabulaire de l’indice de Compréhension verbale. Martin dira, par exemple : « La réalité et le rêve sont deux mondes différents : on fait ce qu’on peut dans la réalité et ce qu’on veut dans le rêve. » Vit-il la réalité comme une contrainte ? Lorsqu’on arrive à la définition de « Contrainte », justement, « Interdire » est le premier mot qui lui vient à l’esprit. Puis, il se reprend mais définit en réalité le mot interdire : « Dire non. Non, ça c’est nier. » Puis : « Ne pas donner la permission, donner un ordre négatif. » On retrouve bien cette forme d’opposition avec ses parents dans laquelle toute marque d’autorité parentale est vécue comme contraignante, injuste et systématiquement dirigée contre lui, et lui seul.
Les résultats de Martin au WISC-IV le positionnent au niveau très supérieur avec un QI Total de 150 compris dans un intervalle de confiance de 99,9 de (140-154). L’ensemble est de manière générale très réussi et homogène (ICV-IRP=6).
L’indice de Vitesse de traitement, habituellement reconnu pour être lié à l’indice de Mémoire de travail, est ici curieusement plus faible que ce dernier (IMT-IVT=14). Bien que non significative, cette différence étonne. En réalité, c’est le subtest Symboles qui fait « chuter » cet indice. Martin privilégie la rapidité par rapport à l’efficacité. En outre, il commence à montrer une certaine lassitude et ses tics le reprennent (mouvement de la tête incontrôlé), ce qui le perturbe sans doute dans sa performance.
Au-delà de l’intérêt de l’analyse du contenu des réponses aux items verbaux, le WISC-IV apporte un éclairage intéressant sur le fonctionnement cognitif de Martin : utilisation d’une stratégie de résolution globale puis synthétique aux Cubes, capacités d’inhibition et de flexibilité mentale démontrées à Identification de concepts, capacités de mémoire de travail, d’analyse perceptive et de manipulations mentales complexes, ressortent également du subtest Matrices. Ces deux derniers items, nouveaux par rapport au Wisc-iii, rendent l’indice de Raisonnement perceptif très différent de l’ancien QI de Performance. Et, cependant, il est encore possible d’analyser la façon dont le sujet procède…
Même si nous avons « perdu » le récit de l’enfant sur les Arrangements d’images, il est encore possible de lui demander de donner des exemples par rapport à ce qu’il vit sur les Similitudes et les mots définis à Vocabulaire, ce qui nous apporte également de nombreux éléments quant à son vécu psychologique.

 

Le cas de Constance, onze ans sept mois
Le cas de Constance est également intéressant, car, contrairement à Martin, le profil de ses résultats au WISC-IV est très hétérogène, voire dysharmonique. Son QI Total est de 140, compris dans un intervalle de con­fiance de 99,6 de (131-144), et la positionne au niveau très supérieur. Cependant, les quatre indices s’échelonnent de 111 à 148, avec une moyenne de 127,75. La dispersion des résultats de Constance au niveau des subtests et surtout au niveau des indices rend l’homogénéité du QI Total totalement insatisfaisante et met en question son utilisation comme indicateur global du niveau de fonctionnement intellectuel. Il ne fait aucun doute que Constance possède des capacités intellectuelles très supérieures à celles des enfants du même âge, ce qui est apparu notamment au cours de l’entretien que nous avons eu avec elle. Constance, également scolarisée en classe de cinquième, s’intègre bien dans son groupe d’amis, mais reste consciente qu’elle n’a pas les mêmes centres d’intérêt que ses camarades. Toutefois, dans certains domaines, ses performances sont simplement normales ou justes supérieures à la moyenne. Le WISC-IV permet, selon nous, de bien comprendre son fonctionnement intellectuel.
Sa réussite à l’indice de Compréhension verbale (ICV=148) ainsi que la clarté et la précision de ses réponses montrent un investissement massif de la sphère intellectuelle, qui confirme ce qui ressortait de l’entretien clinique : Constance est une enfant inquiète qui a besoin d’être rassurée en permanence. Ce surinvestissement intellectuel engendre des angoisses qu’elle a du mal à gérer seule.
L’écart significatif de 37 points entre l’icv et l’Indice de Raisonnement perceptif (IRP=111) annonce un profil très hétérogène. Il apparaît clairement, en raison de son échec aux Cubes (CUB=9) et par l’obser­vation de sa façon de procéder, que Constance est mise en difficulté lorsqu’elle doit analyser et synthétiser des stimuli visuels abstraits. On peut cependant rappeler que cette épreuve est très sensible à l’émotivité, car, d’une part, c’est la première épreuve et, d’autre part, elle est chronométrée. Nous avons administré à Constance le subtest optionnel Arithmétique auquel elle obtient le score de 11, relativement faible si l’on tient compte de son potentiel intellectuel latent. Il semble ainsi que les résultats à ces deux épreuves, impliquées dans la représentation symbolique et la représentation mentale, manifestent l’angoisse évoquée par la représentation mentale de quelque chose – de quelqu’un – d’absent. Or, nous savons que Constance, d’origine vietnamienne, a été confiée à l’âge de dix-huit mois à un orphelinat par ses parents biologiques qui ne pouvaient plus subvenir à ses besoins et qu’elle a ensuite été adoptée à l’âge de trois ans. Constance a manifestement vécu un traumatisme qui se traduit aujourd’hui par une altération de la structuration de la distance spatiale et qui serait peut-être en rapport avec l’inhibition dont elle fait preuve par rapport aux chiffres. En revanche, sa réussite à Identification de concepts (IDC=13) montre son aptitude au raisonnement catégoriel et au raisonnement abstrait, dès lors qu’il s’agit d’objets concrets de la vie courante. Ses autres performances montrent que ce n’est pas sa concentration ni la reconnaissance visuelle des détails d’une figure qui sont mises en cause, mais réellement sa capacité de manipuler mentalement des figures géométriques ou, en tout cas, de mettre en place des stratégies de résolution de problème efficientes.
À l’inverse de Martin, Constance obtient un score de 134 à l’indice de Vitesse de traitement et de 118 « seulement » à l’indice de Mémoire de travail. Le WISC-IV met en évidence un point qui pourrait être travaillé avec Constance, encore en lien avec le traumatisme de l’abandon. Dès son arrivée dans sa famille adoptive, elle a tout de suite fait preuve de capacités d’adaptation remarquables et d’une très grande force de caractère pour apprendre le français en quelques semaines et faire face à la multitude d’informations nouvelles qui lui parvenaient. Ses résultats scolaires montrent que sa mémoire est rarement mise en défaut. Il n’y a qu’en mathématiques que Constance peut parfois être mise en difficulté, mais de façon passagère seulement, car elle compense par une capacité de travail étonnante : pour préparer son passage en quatrième dans un nouveau collège, elle a travaillé tout l’été le programme de cinquième enseigné dans cet établissement réputé pour avoir un niveau exigeant. L’indice de Mémoire de travail évalue l’efficacité de la boucle phonologique pour des séquences de chiffres et de lettres. Il évalue également certaines fonctions du système central exécutif, en l’occurrence le contrôle de l’attention divisée entre la conservation de l’information et son traitement. En revanche, l’imt ne mesure pas l’efficacité de la boucle phonologique pour d’autres types de séquences (des mots, par exemple), ni celle du carnet visuo-spatial et d’autres fonctions du système central exécutif (l’inhibition d’informations non pertinentes, par exemple). Constance n’obtenant que 11 au subtest optionnel Arithmétique, il semble effectivement qu’elle fasse un « blocage » sur les chiffres. Par ailleurs, sa vitesse de traitement est excellente (IVT=134).

 

Échelle Martin Constance
Compréhension verbale 146 148
Raisonnement perceptif 140 111
Mémoire de travail 138 118
Vitesse de traitement 124 134
Totale 150 140

Tableau 1 : Notes composites obtenues par Martin et Constance aux échelles du WISC-IV.

 

Conclusion
Ces quatre vignettes ont tenté de montrer l’intérêt et certaines limites du WISC-IV dans l’évaluation clinique du fonctionnement intellectuel d’un sujet dans des registres différents. L’apport du WISC-IV paraît considérable pour une interprétation fine de la forme d’intelligence du sujet à partir, notamment, de l’appréciation de la dispersion des indices au sein du profil de ses performances. L’utilisation des données cliniques du test est sans doute à construire par les cliniciens. On peut néanmoins regretter certains choix de l’évaluation cognitive réduisant la dimension clinique du test. Cela ne peut que nous conforter dans l’idée de l’importance d’une évaluation globale du sujet. Dans bien des cas, la compréhension du fonctionnement de la personnalité de l’enfant, en utilisant d’autres épreuves comme les tests projectifs, sera nécessaire avant toute orientation de l’enfant.

Pour citer cet article

Bréchon Geneviève, Tabone Géraldine  ‘‘Études de cas cliniques à partir du WISC-IV : intérêt et limites‘‘
URL de cet article : https://www.jdpsychologues.fr/article/etudes-de-cas-cliniques-a-partir-du-wisc-iv-interet-et-limites

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